Ode première

Aux rudes rochers qui nous ont vus venir
aux échos cachés aux grottes implacables
aux vives fractures aux lenteurs rugueuses
sièges de nos mémoires

Aux algues longues aux torsions enlacées
aux nodules souples aux flottements subtils
aux nerveuses cambrures aux brillances serpentines
doubles de nos corps

Aux terres abordées qui nous ont fait rester
aux pierres molles aux mille strates
aux riches germes aux bourgeons énergiques
contact de nos mains

Aux jours si courts toujours voilés
aux dilemmes acérés aux énigmes reculées
aux furtifs cheminements aux luttes voraces
cavales de nos croupes

Aux nuits veloutées aux couches violettes
aux panses emplies aux soyeux secrets
aux nacelles joueuses aux chants chuchotés
banquet de nos pensées

Aux vagues incessantes qui nous ont portés
aux lames longues aux plis translucides
aux graves ressacs aux écumes fantasques
fouets de nos cerveaux

Aux soleils douloureux fulgurantes déchirures
aux courses résolues aux secondes extasiées
aux coupantes ailes aux cascades électriques
décision de nos yeux

Aux îles englouties aux forêts effacées
aux restes abandonnés aux vertiges oublieux
aux libres embrasures aux empreintes recouvertes
répétition de nos gestes


Ode deuxième

Nous avons su que nous savons
et nous avons nommé selon nos pouvoirs

Nous avons fait un répertoire
pour que l'inconnu nous devienne familier

Mais nous nous gardons d'énoncer
ce qui demeure en nous
de vif inconnaissable