Paroles d'indigènes 3 volets :
litanie de base lines - billets de rumeur - terminologie des rumeurs malignes

Terminologie des Rumeurs Malignes
suite ludique à l'essai théorique: Rumeurs, actrices vêtues de la Tendance nue par May Livory, commencée le 1er Octobre 2001, ainsi que le triturage de la presse quotidienne sous forme de galettes, dont une centaine ont été montrées sous le titre Baselines 2001-2004 à la Loge de la Concierge en 2004


base line
=ligne du bas
conclusion, morale de l'histoire, truc à retenir, pense-bête, leitmotiv, nota bene, envoi** ou chute comme il s'en trouvait à la fin d'un fabliau ou d'un conte de fées, et que l'on place en bas de page dans une publicité ou en guise de "mot de la fin" dans un spot publicitaire télévisuel ou cinématographique.
=ligne de base
raison d'être et philosophie de la marque, résumées en quelques mots et figurant systématiquement en sous-titre au logo sur tous les supports médiatiques d'une campagne de pub. A ne pas confondre avec les "accroches", ou slogans, qui, eux, diffèrent selon les supports, mais les rôles sont quelquefois difficiles à séparer, car base lineet accroche se répondent ou se confondent (2 en 1) au gré des arguments, des jeux de mots et de la cible visée.

**"Prince, prenez grand soin
De la douce Isabeau
Qu'oncques point n'ait besoin
D'un petit bourreau beau (ou bout robot)"
(Bobby Lapointe)

"Tiens bien ta broche, Laridon,
Car par ma foi, c'est au bedon,
Qu'à la fin de l'envoi, je touche!"

(Cyrano de Bergerac, à la fin de la fameuse tirade des nez)

buzz = teasing* = rumeur
bouche à oreille, on-dit, histoire de colporteur, potin, bref, LE nouveau terme pubesque anglo-américain repris en choeur pour ne pas dire téléphone arabe.
Vient du bruit que fait la sonnerie du téléphone outre atlantique, où faire "buzz" avec le pouce au niveau de l'oreille et le petit doigt en face la bouche veut dire "on s'appelle".
(*de to tease: titiller)

vintage
= fripe, fringue de récupération, antiquité "d'époque" dénichée chez Grand-Maman ou aux Emmaüs, portée avec les accessoires du moment achetés en dégustant un verre d'eau chez certaine Colette ou détournée fashion, et regriffée par l'incontournable jeune créateur, intime de certain phare glamour de la jet set mondiale, pour qui les plus grands mannequins défilent gratuitement dans une friche industrielle, dévouement humanitaire oblige, l'amitié en plus, si, si, c'est marqué dans la presse people (pipole en français)!

fashion
employé comme adjectif = (à la) mode, trendy, tendance, dernier cri, hype.
Introduit par Mallarmé dans son "Journal des Modes", ce terme "english" s'est depuis galvaudé de bouche en bouche et de plume en plume.

porno-chic
presque toute la mode depuis quelques années est "sexy", "glamour" ou les deux à la fois. Combinaisons-robes ou mini-jupes style poupée de luxe où la dentelle et la transparence dominent, mini sacs à main qu'on balance négligemment au bout du bras, mules à talons fins très hauts et strassées, strass partout collés sur la peau, maquillages forcés, bouche, brillante, comme mouillée, ou d'un rouge sanglant, ongles et les cils postiches, très longs.
La pub se sert, pour vanter n'importe quel produit, de l'innocence ambiguë de silhouettes très junior, androgynes, sur des 4 x 3 limite craignos qui évoquent M le maudit, Lolita, les films hard, gore, les reportages dans les bas-fonds, les back-rooms, les photos de Nan Goldin, affichant une esthétique parfois douteuse de"tranche de vie bien juteuse", voire de situations pédophiles (on disait autrefois 'ballets roses'). Mises en scènes érotisées, malheureusement trop souvent sans humour, racoleuses, et d'une prétendue insolence libertaire qui sent le cynisme à plein nez.

morphing
=métamorphose technologique

Technique utilisée pour pratiquer en continu des glissements de forme au sein d'une réalité virtuelle. Autant les anamorphoses de Dali réclament un changement de point de vue et une intelligence à l'oeuvre pour être perçues, autant le technologiquement modifié, n'étant pas de prime abord assujetti à la transmission de sens, mais plutôt à la sensation immédiate (dans le sens de sensationnel, comme dans le film Matrix), n'impose aucun effort au spectateur fasciné.
Trouve des applications dans maint domaine où les techniques de la rumeur et de la tendance pratiquent, depuis longtemps déjà, le glissement sémantique indolore.

bitch
les fils de pub adorent ce mot, qui figure en graphe sur le tee-shirt de leurs accortes copines de boîte. Les clientes de Dior n'y auront cependant pas droit, c'est réservé au créneau junior porno chic signé street fashion.

locomotive
celui qui tire les wagons à la force du poignet en amusant la galerie et défrayant la chronique. C'est un des lanceurs de rumeurs qu'on trouve parmi le petit monde du "nightclubbing" et des fêtes privées (on peut les suivre dans l'émission Paris Dernière sur Paris Première tard le mercredi soir, où le porteur de caméra (F. Taddeï), c'est presque vous, vous visitez ainsi les chiottes des endroits à la mode, à vous de deviner où c'est, les strip-tease privés de femmes de ménage de nuit, les soirées de première de films, les recoins de backstage et les limousines où se trament les dernières des gens de la nuit et de leurs esclaves, à poil, en train de se finir, des verres de champ' à la main).

addict = aficionado
désigne le gobeur inconditionnel de mode, la fashion victim qui ne choisit systématiquement que ce qui vient de sortir chez ses "repères" favoris.

gore = trash
= ça craint vraiment
se dit surtout des films et des publications où le sang et le démembrement tiennent une grande place, entre autres fantasmagories.

grille
instrument qu'on pose sur un texte ou un événement sybillins pour en faciliter la lecture, la compréhension, la reproduction. Très employée par les mouvances structuralistes car c'est la plus sûre façon de virtualiser une réalité mouvante sur un instant arrêté. Se dit aussi pour les programmes télévisuels: chaque chaîne a sa grille
=tableur, tabloïd, voir aussi: résille.

dripping
La recette est simple, et fait toujours florès: prendre la peinture dans le pot à l'aide d'un pinceau à poils longs, survoler très vite la surface sur laquelle on fait oeuvre en secouant bien fort dans toutes les directions (hé oui, c'est très physique). Entrecroiser en monochrome pour faire zen ou multiplier les couleurs pour faire pop. Une excellente manière de tuer la peinture, aux dires de certain conservateur pour qui l'art est un crime permanent (de lèse-majesté). Comme quoi il faut s'appliquer! Il y a la bonne et la mauvaise façon de tirer la langue, n'est pas artiste criminel et ne s'expose pas qui veut!

underground
=tube=subway=métro=Ubahn (
utilisé comme adjectif)
Non, ce n'est pas métaphysique, c'est plutôt débusqué à la sauvette par ces bons vieux renifleurs pour qui la rumeur est un job sympa, jeune et branché. Désigne encore une nouveauté déjà ancienne, certain mouvement et certaine presse sauvage d'entre 65 et 80. -Qui se souvient du Quetton né à Cherbourg, en même temps que Fritz the Cat de Crumb, premier journal du genre, et dont les fils spirituels sont les fanzines?- En un mot, tout ce qui a des relents sulfuro-populaires et, si possible, a été bricolé dans des lieux interlopes. Du souterrain qui ne va pas le rester longtemps.

déjanté
qui quitte la route tellement il ne fait pas comme tout le monde. Pour faire locomotive, d'abord, être le plus déjanté possible et le faire savoir des renifleurs, sniffeurs et pisteurs de tout poil, qui vous mettront alors sur les rails de la réussite en parlant de vous dans leurs chroniques des temps qui courent.

oversized
= trop grand, XXL, king size, big, baggy
etc.
Aussi tendance que son contraire, le mini, l'étriqué. Recette street wear: mélanger, en désassortissant, un top mini (montrant les bretelles d'un soutien-gorge pigeonnant pour les filles), et un pantalon baggy taille basse à grandes poches, dessous, un string de dentelle flashy ou un kangourou blanc unisexe porté bas mais dont on verra largement la ceinture, et plus si affinités ou par mégarde. Dessus, un vintage ou un sweat à capuche oversized découvrant au moins une épaule en glissant négligemment. Terminer par une coiffure en pétard contenue avec peine dans un petit foulard cucul fleurette ou un bonnet énorme et un sachet à portable tricoté au crochet par Deschiens. Traîner, sans les lacer (ça donne un air japonais, c'est-à-dire junior fun) des pompes 2 tailles trop grandes à semelles épaisses en prenant une moue boudeuse (pour les juniors), un air ennuyé (passé 20 ans), ou encore l'air rebelle (30 ans et plus).

sac plastique
= objet culte
De jeunes créateurs anonymes adorent le nouer dans les arbres, partout dans Paris, en compagnie de divers détritus ramassés ça et là, pour signer leur épouvantail. D'autres, une petite longueur d'avance dans l'institutionnalisation, font des installations de poubelle au Palais de Tokyo nouvelle manière. Ce faux squatt à prétention de centre de jeune création contemporaine pluridisciplinaire hyper cool fait siennes les bonnes recettes des concept stores et vous sert des produits de librairie, d'art ou de bazar dans de charmants sacs en plastique sponsorisés et intitulés dans un coin -comme c'est fun- 'sac d'épicier'! Ce qui vient bizarrement contredire le titre du livre de Madame Tasca, ministre de la culture, "L'art n'est pas une marchandise".

déchet (1)
= détritus, objet de rebut, objet paria
"Qu'est-ce que le déchet? C'est le nom de ce qui a eu un nom, c'est le nom du dé-nommé". Roland Barthes, in "Réquichot et son corps", L'Obvie et l'Obtus, Paris, Seuil, 82.
Beaucoup d'artistes hantent les jailles, les décharges à ciel ouvert, les grèves -en Cotentin, on appelle cela "aller à gravage"-, pour récolter des trésors imaginaires, les assembler en autoportraits, boîtes, installations, machineries infinies pouvant couvrir des jardins, des façades, créer des tunnels, des grottes baroques, des bestiaires inédits. Cet art, qu'on a appellé art brut au moment où les surréalistes l'ont découvert et mis à la mode, est montré en quelques lieux souvent campagnards comme la Fabuloserie, des galeries spécialisées ou la Halle Saint Pierre, à Paris.

résille
= objet culte ultra tendance
Depuis longtemps inscrit au tableau des pêches (au thon et autres animaux marins), des chasses au papillon, des charcuteries et salaisons, des voilettes, masques à femmes et fétiches érotiques, ce système qui moule et découpe la chair en damiers trouve de nos jours une sorte d'apogée à la fois dans la mode et dans l'imagerie symbolique des nouvelles technologies, qui fragmentent tout à travers la grille à mailles carrées du pixel. A servi à donner son nom à l'Internet (filet: net en anglais).
La zouzette (ou, années zazou: greluche, années pop: minette), trouve ainsi un choix inégalé de tailles de maille et de couleurs pour gainer ses jambes de ces collants trendy sans carboniser son budget. Ses grand-mères étaient des pro de la chose de A à Z, pratiquant des arts de salon comme la broderie sur filet, le point de grille et le point de croix (remis au goût du jour par deux écrivaines il y a quelques années). De nombreuses mamies internautes ont suivi naturellement par nécessité la technique de reproduction et du changement d'échelle carré par carré bien connue des peintres, fresquistes et affichistes, en s'échangeant des grilles de motifs, qu'elles impriment at home à partir de leur ordi perso-familial et font voisiner sur le "foot stool" (mot snob utilisé en déco pour désigner ces mini banquettes qu'on met un peu partout dans les espaces dévolus à l'intimité, comme repose-pieds ou présentoir à postures coquines) avec les mots croisés ou le tricot jacquard.

pixel
n. m. (contract. de l'anglais Picture Element). Le plus petit élément de teinte homogène d'une image enregistrée* (photographie, télévision, télécommunications). Larousse
Les plus gros pixels connus jusqu'ici étaient en papier: les "cahiers" qui permettent aux chinois de la foule des stades de créer des fresques à épisodes en les posant et en tournant les pages de couleur en cadence sur leurs têtes. Mais dernièrement, ils ont atteint les dimensions des fenêtres carrées d'une façade de bureaux, avec des artistes qui ont ainsi créé des pictogrammes lumineux géants. Qui ressemblent en négatif à ceux des écrans de téléphones mobiles et à bien des mises en pages de "jeunes" agences de com, qui ont oublié les mosaïques de gommettes et de tampons patate de la maternelle autant que le point de croix de maman et reprennent en choeur l'esthétique robotiquement fragmentée des premiers jeux vidéo. A chacun sa nostalgie...
* "Moins d'un an après la découverte de Daguerre, Samuel F. B. Morse photographiait sa femme et sa fille à New-York. Les points pour l'oeil (la photographie) et les points pour l'oreille (le télégraphe) se rencontraient au sommet d'un gratte-ciel." Marshall Mc Luhan, in "Pour comprendre les médias".

pictogramme
Terme employé surtout en signalétique, résultat d'un travail pointu de stylisation, le pictogramme existe depuis des temps immémoriaux (idéogrammes). Il est le précurseur de l'alphabet et reste inégalable pour exprimer fortement, même sans mots, une idée, comme l'ont démontré dernièrement les artistes du pochoir comme Miss Tic. Le pictogramme numérique, un ensemble assez grossier de pixels en petit nombre, créant une figure simple identifiable au premier coup d'oeil, a remis au goût du jour le pictogramme en général: on voit par exemple fleurir sur les murs des autocollants comportant de petits personnages en couple ressemblant à s'y méprendre à ceux qui signalent les wécés publics. Pub copiant l'art de la rue, beaucoup de labels, surtout musicaux, s'approprient ce mode de communication.

packaging
Terme employé en pub marketing, désignant l'emballage support de marque spécialement conçu pour un produit et un secteur de distribution. Le packaging assure dans les rayons de supermarché le "facing", ou présence du produit immédiatement reconnaissable en occupant le mieux possible le linéaire. C'est pourquoi beaucoup de designs prévoient une "suite" graphique permettant que la marque soit toujours visible et "raccord", même si le produit est mal mis en rayon ou déplacé par les clients. Le packaging est la première des publicités, il renseigne le client sur son contenu. Il montre quelquefois presque intégralement le produit, sous mini vitrine thermophormée ou plastique transparent moulé, auquel cas c'est un "blister". Il le situe par la forme de la boîte, les graphismes, les matières, les couleurs, parmi une famille de produits et sur une échelle de qualité, avant même que le consommateur ne regarde le prix à payer.

loft
Terme employé pour atelier. A d'abord été détourné par les "bobos" (= jeunes, riches et fiers de l'être) en appartement chic décloisonné, par investissement des "plateaux" (surfaces d'étage) laissés libres par l'exode des industries. Mettant ainsi les "friches" à la mode. Et le terme loft aussi par la même occasion: une chaîne de boutiques a pris ce mot comme marque, par exemple, et dernièrement, la télévision s'en est emparée, créant de toutes pièces en studio, un appartement où enfermer comme des cobayes des jeunes avec des caméras 24h sur 24: les "lofteurs". Le loft est devenu fabrique spécialisée de célébrité rapide, et, comme le Mac Do ou le film porno, c'est le "public" qui "fait son choix". Et plébiscite, non le gagnant, mais celui qui sera exclu chaque semaine. Exclus ou pas, à ce stade tous gagnants, car déjà vainqueurs d'un casting préalable féroce à huis clos.

casting
Acte de sélectionner des êtres humains pour leur faire endosser des rôles et anticiper, sur leur comportement, le degré de liberté qu'on pourra leur laisser à l'intérieur d'un projet. Le plus couramment pratiqué par les agences de mannequins ou la production de films, le casting est devenu un mode de recrutement chic et un genre télévisuel pour des émissions nées du "reality show", des jeux télévisés à "C'est mon choix". Les "acteurs" -c'est vous, c'est moi- sont choisis par casting pour leurs capacités à se mettre en scène et à offrir leur vie intime à l'appétit voyeuriste des spectateurs en miroir. Succès des reportages "backstage" =dans les coulisses, qui montrent les choses "en vrai" et aux "making of" = comment on a fait, le bêtisier, les fous-rires, les vedettes comme on ne les verra pas dans le film, maintenant sponsorisés par des marques, pour lancer des films mieux que la classique bande annonce... de mode de recrutement le casting est devenu spectacle et en même temps gage d'authenticité et de transparence. Certaines émissions de télévision n'étant qu'un casting = pas de décor mais des pseudo coulisses au quotidien, instruments d'hygiène et de torture sportive compris, pas de vedettes mais des concurrents, filmés sous toutes les coutures, qui rivalisent pour se faire adouber vedettes par le public, qui lui-même devient acteur virtuel du show.

texto
=textuellement, expression déviée pour l'écriture rapide employée pour transmettre des messages économiques sur les écrans des portables. Véritable phénomène de société, sorte de morse high tech et populaire, le texto fait actuellement l'objet d'une facturation à part, certains opérateurs offrant 10 textos par forfait mensuel. Encore plus réduit que le "télégraphique", il consiste à utiliser le moins de lettres possible et à profiter de leur prononciation pour que chacune équivale à un mot. Ce genre était déjà pratiqué par ma mère à l'école, à l'époque du verlan et des zazous, par exemple, la maîtresse demande à l'élève Machaut d'épeler son nom: M A C H A U T, et la maîtresse le met au piquet en disant "Ah! Vous aimez à chahuter, hé bien, méditez maintenant."... Marcel Duchamp aurait pu gagner haut la main les concours de texto avec ces "jeux de mots" retrouvés dans ses petits papiers publiés sous le titre "Notes" par Flammarion, collection Champs. En voici quelques uns: "OPIDRO NMKBCQFS GTHTDQIR AVKQIT"

décence / indécence
... tout est question de classe
*:
Se montrer nu en soirée, c'est fashion, c'est top classe!
Montrer des morts américains à la télé, c'est indécent, pas classe!
Montrer des morts africains, c'est humanitaire, c'est classe!
Montrer ses plaies sur le trottoir pour mendier, c'est dégoûtant, pas classe!
Montrer des morts en boîte à Bali, c'est de l'information, c'est classe!
Montrer des morts des guerres passées, c'est du devoir de mémoire, c'est classe!
Montrer des coïts humains en gros plan dans un film porno classé X, c'est cochon, c'est pas classe!
Montrer des coïts humains en gros plan dans un film d'auteur, c'est de l'art, c'est classe!
Montrer une femme orientale épanouie, ça passe pas, c'est pas classe!
Montrer des prostituées des pays de l'est, c'est du reportage, c'est classe!

*
classe
=de classe sociale élevée, racé,
de bonne souche, d'une élégance innée. Celui qui "a la classe" peut tout se permettre, avec morgue, et en toute impunité.
voir aussi: dignité/indignité, salubre/insalubre

sticker = autocollant
Le plus petit support d'art de la rue. Miniatures enluminées, calligraphies, esquisses de fresque, muralisme minuscule et manifestes esthétiques, humoristiques ou poétiques sont déposés sur des surfaces interstitielles, l'envers du décor urbain où nous sommes tous figurants. Seul un oeil averti, avide, curieux, critique, prédateur, collectionneur, peut les appréhender. Vinyle découpé, papier coupé-collé, étiquette autocollante travaillée en atelier au feutre, à l'aérographe, à la bombe ou en photocopie, autocollant publicitaire récupéré, ciselé, graphé, bande de scotch signée, sparadrap, photos en mosaïque, tous les supports sont bons pour ces graphes de gouttière, de distributeur de préservatifs, de borne, de rambarde ou de parapet... Le sticker a l'avantage sur le pochoir ou le graphe à la bombe ou au pinceau, d'être éphémère et de pouvoir se distribuer de la main à la main, les gens pouvant les recoller où ils veulent, les collectionner au même titre que les timbres, porte-clés, boîtes de camembert, cartes téléphoniques ou pin's. voir: "Stickers sur la Ville"

nesting
=nidification sécurisante
, autrement appelée il y a quelques années cocooning, ou le repli sur soi-même mis en tendance pour la mode et la décoration. Manger joli, mignon, pur, pastel. Faire du bien à son 'intérieur'. N'accepter chez soi que des choses douces et feutrées, des matières régressives, des formes rondes, foetales, infantiles, organiques, lisses comme peau de bébé ou poilues comme nounours. Une tendance que l'on retrouve en art avec des installations molles, rembourrées (contraire des dépeçages d'Annette Messager?) Peindre des choses lisses et rassurantes comme des smileys (petites icônes souriantes à base de signes typographiques, devenues signes à part entière sur pastille jaune) ou les smarties (bonbons au chocolat gainés de sucre de toutes les couleurs), exposer les collections de bonbons de son musée personnel comme la jeune artiste Isadora in Loliland qui travaille sur "l'esthétique de l'enfance" en proclamant: «je suis intuitivement très liée à la fraîcheur de cet univers que les adultes blasés rejettent». Ou Ana Laura Alaez avec les poudres pastel du maquillage pour sujet principal de ses photographies, chez Taddaeus Ropac, la galerie branchée du Marais, "centre d'un parcours artistique en forme de foire aux couleurs kitsch et paillettes" dixit un article dans un numéro d'octobre 2002 de "A Nous Paris" le gratuit du métro. Des fleurs simples, de petits animaux, des enfants, de ces japo-niaiseries comme on peut en voir à la Fondation Cartier ou dans certaines galeries à la rentrée 2002, ou sur des tee-shirts ciblés teen-agers, motifs achetés à des sauvageons repentis de fraîche date après être passés par une école de mode ou de graphisme. Copier-coller au premier degré sur toile la publicité et son esthétique, un art d'ami Ricoré et de petit beurre Lu.

hardcore = 'nouveau' subversif
autrement appelé "nouvel activisme" ne devant rien (?) aux "logiques contestataires des années 60 70" mais ayant pour héritage "la chute des idéologies" qui leur permet de "repositionner un des versants de l'art comme un levier de transgression, pour brouiller les cartes et mieux infiltrer les incohérences et les déviances du système" dit sans rire Jérôme Sans, commissaire de l'exposition du même nom organisée au Palais de Tokyo au printemps 2003. Il ajoute que les artistes ont toujours été des "hackers du réel". Nous voilà fixés: la subversion, c'est de cela qu'il est censé s'agir, mais attention, pas n'importe laquelle! Il faut être déclaré "Persona Grata", ce qui n'a pas été le cas pour nombre de nos authentiques artistes de rue, pourtant à coeur de réel et hack-TV-istes en diable comme "Scandal". On a préféré en vedette étrangère "Obey" the Giant, avec ses stickers de big brother wanting you en noir et blanc, peut-être à cause de son nom ambigu, qu'on aurait pris au sens propre comme sa physionomie de grand ricain bien tranquille bien de chez lui? Et voilà que Joël Garcia, le monsieur foire de l'art contemporain à Bastille, enfourche le même cheval pour sa grande parade sous le barnum, engageant pour animateur-clown blanc Jérôme Mesnager (les «hommes blancs» sur les murs, c'est lui), son copain Nemo et toute une bande d'artistes de rue plus ou moins anonymes pour décorer l'envers du décor et masquer l'aspect tristement commercial d'un cirque dont les bateleurs doivent payer pour s'exhiber et alpaguer le chaland en jouant les faire-valoir. La meilleure façon de s'affirmer contemporain quand on est organisateur d'expos- événements serait-elle donc de repêcher l'art dans la rue, de ramener brebis égarées et fils prodigues, de sanctifier l'art-crime en l'encensant des prêches d'officiants vedettes, en l'enchâssant sous onction branchitude dans les églises de l'art-tendance?

in & off = en être ou ne pas être
se dit des festivals et des grandes expositions pour distinguer ce qui se trouve "acheté" et/ou prévu dans la programmation des lieux officiels à entrée payante, de tout le reste, c'est-à-dire ce qui est hors programme, dont on ne parle pas, gratuit, free, outsider, dehors, dans la rue, autour, à ses risques et périls, et qui fait venir le gros du public, ravissant le petit commerce et les bistrotiers. Le "in", glisse de plus en plus de l'acception "in the move, dans le vent" des années 70, vers "ce qui est admis à l'intérieur, qui en fait partie". Il est devenu tellement fermé, élitiste, inaccessible pour des raisons de financement, de production, de sponsoring, dans des festivals très courus comme Avignon, ou de grandes expositions comme la biennale de Venise, que c'est le "off" qui devient "in" (the move): un laboratoire d'expérimentation qui finit par concurrencer le in par sa vitalité et son éclectisme, et devenir un festival sur le festival, réduisant le in au rôle de noyau dur formé d'incontournables à la limite du "has been".
Il faudra bientôt inventer le in du in, le off du in, le in du off et le off du off!

déchet (2) = rebut, ce qui reste, est en trop, surnuméraire, inrecyclable
sans valeur, ni marchande ni sociale:
de l'objet de rebut à l'humain de rebut il n'y avait qu'un pas...
L'esclavage n'étant décidément pas aboli, on peut considérer que tout être humain non rentabilisable, que ce soit par lui-même ou par la société à travers ses représentants économiques, administratifs, politiques et géopolitiques, fait partie d'un surplus coupable de grever l'économie et d'empêcher la croissance, de creuser le trou de la sécu, de poser des problèmes insolubles aux hopitaux, à la police, aux pompes funèbres. La solution la plus simple, d'un bon sens bonhomme, c'est le tour de passe-passe citoyen: exposer à la vindicte et/ou à la "solidarité" publiques, selon les cas, enfants délinquants, drogués, malades contagieux, incurables, chômeurs invétérés, jeunes sans qualification, vieux impotents, restes de personnel d'entreprises délocalisées, intermittents du spectacle, étrangers sans papiers, artistes non comiques ni du show biz ni de la télé, peintres sans public, philosophes sans chaire, sculpteurs sans galerie, squatteurs sauvages non filmés, femmes accouchant sous X, mineures enceintes chassées par leur famille, nounous, cousettes et repasseuses de famille remerciées, hommes divorcés à la dérive, homosexuels en deuil de leur compagnon et sans ressources, familles nombreuses pauvres, handicapés moteurs, mutilés de la route, veuves non mariées, fous internés sans famille, jongleurs de rue, cracheurs de feu, écrivains nègres, musiciens sans cachet, handicapés mentaux, gens du voyage, saltimbanques, prostituées usées, victimes dénonciatrices, obèses, femmes répudiées de plus de 40 ans sans profession, clowns, enseignants non titularisés, universitaires sans poste, techniciens de surface rhumatisants mis à pied, chanteurs ayant cessé de plaire, grand-mères sans retraite aux enfants exilés, femmes de ménage non déclarées, hommes seuls alcooliques sans domicile, poètes incapables de tout travail proposé par l'ANPE, surdiplômés refusant des stages de formation, surendettés accumulant les coups du sort et n'ouvrant plus leur courrier, suicidés ratés, persécutés du voisinage, irradiés, pollués, amiantés, concierges en fin de vie, enfants non désirés, anormaux, cachés, souffre-douleurs vendus par leurs parents, petites bonnes importées clandestinement, violées, torturées, volées, expulsées, personnes dépendantes sans protection, femmes séquestrées, mariées de force, répudiées, battues à mort, lapidées, filles vitriolées impossibles à marier, bénévoles non diplômés mis au rancart, femmes de polygame en prison, orphelins abusés, délits de faciès, d'adresse, victimes d'abus de confiance, de propagandes, de raisons d'état, de rumeurs, de sectes, d'intégrismes, de fanatismes, de procès abusifs, de spoliations, d'attentats, de génocides, de crimes passionnels, de massacres, d'erreurs judiciaires ou d'injustices étouffées, mères ou fil(le)s de terroristes, de criminels, réfugiés jetés à l'eau, retrouvés noyés, débusqués dérivant sur une épave, gelés dans un train d'atterrissage ou tassés dans un container, justiciables étrangers indésirables, condamnés à la "double peine" séparés de leur famille et reconduits dans un pays qui n'est plus le leur, gens inondés, incendiés, navrés de marée noire, désespérés de situations insolubles, victimes d'irresponsables, fugueurs récidivistes rattrappés, enfants turbulents "orientés" vers une voie de garage, débutants plus assez jeunes, acteurs refusés des castings et autres hommes de peine ayant oeuvré au noir toute leur vie...

dandy
Le dandy se sent d'une qualité d'être supérieure à la moyenne, et laisse à deviner par maint détail, mais comme par inadvertance, une vie intéressante, hors du commun des travailleurs, des circuits de production ou de commerce, une autorité dans certain milieu de l'édition, des arts, des musées, du cinéma. Homme ou femme, son androgynie affiche une forme de célibat 'mâlique', pour reprendre une expression moulée directement sur Duchamp. Il respire un air manifestement raréfié, celui d'une élite d'initiés qui 'fait' la culture et dont il actualise le who's who au gré de ses jugements de valeur. Farouchement indépendant, il fuit les mondanités avec ostentation, mais, pour positionner sa liberté d'allure et entretenir sa célébrité, il sait comme personne où il faut être (vu), qui saluer, où s'habiller 'créateurs' (bonnes adresses de braderie), où sortir, qu'arborer en quelle circonstance. Se défiant de toute vulgarité, il manie le gros mot avec ostentation ou emploie des mots de cuistre pour n'être pas compris du vulgum pecus. Styliste averti, il se peaufine une image, souvent androgyne ou sexuellement caricaturale, déclinant toute la panoplie de son 'personnage', résultat d'un choix opéré pour toujours ou pour trois mois si sa spécialité est le changement de cap(e), en une silhouette originale, voire excentrique, soignée dans le moindre détail et très 'référencée',
historiquement et stylistiquement. S'il s'escrime à brouiller les codes, c'est pour mieux en jouer, avec une maestria de fin connaisseur. L'éventail est large, il va du débraillé de celui qui se fiche du look, à l'air sulfureux d'artiste maudit, de confesseur du 19ème siècle romantique, de petit marquis en gilet de tapisserie, d'Aristide Bruant, de bonne soeur janséniste, de tondu échappé d'un camp de la mort ou de Sapho façon pute de luxe, à l'allure policée du pornographe diabolique, de l'érotomane sadique calamistré, en passant par la dégaine en robe de chambre de l'écrivain échevelé en pleines affres d'accouchement d'un roman de mille pages... Tout en jouant les débordés pour disparaître pendant des mois et ne pas s'en expliquer, il filtre les appels téléphoniques. Il a l'art du "ça va de soi", ne fait jamais état d'un métier ou d'une famille ordinaires, ne parle pas d'actualités mais plutôt de délicates ou rares lectures de chevet redécouvertes au hasard de sa bibliothèque dans des "nuits d'insomnie". Voir aussi: "célibataire".

célibataire
(pour de vrai ou pas), il revendique sa solitude et rachète sa souffrance dans le paraître. Le bonheur, il trouve cela grossier, préférant, avec une délectation morose et post-Nietzchéenne, citer Sloterdijk. Il ne déteste pas d'afficher à l'occasion une ambiguïté sexuelle, adore provoquer pour tester sa séduction, en particulier sur des êtres jeunes, dont la fraîcheur et l'innocence le captivent au point quelquefois de vouloir se l'approprier ou la pervertir. Il aime séduire et séduit, mais en maître du jeu, pour éviter le piège de l'amour, ce qui complique à plaisir une vie sentimentale qui tient du fétichisme esthétique et du nihilisme délectablement désespéré.
Snob au-dessus des snobs, à l'aise dans tous les milieux, il a l'art consommé de manifester la sûreté de son jugement en portant aux nues, à contre courant et de façon dityrambique, comme en stigmatisant par la morgue de sa démarche, un regard appuyé et dérangeant, une moue méprisante, un mot d'esprit cinglant ou un calembour de courtisan proférés dans un rire sardonique dont il fait profiter 'la galerie', celui qui n'est pas 'du même monde'
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blanc
Blanc, le lys dans la vallée, le jeune bec arrogant, le mariage sans consommation, le linge qu'on achète en janvier, le chou de l'opération ratée, le manger aux amandes, le, pain de l'abondance mangé sans souci, le morceau de poulet qu'on réserve aux enfants. Blanche la tête chenue, la campagne à l'aube, l'oie naïve du troupeau, la robe de la vierge épousée, la gentille brebis bêlant en troupeau, l'arme aiguisée, la bonne magie.
Au blanc (d'Espagne ou de Meudon?) la vitrine masquée, la poule nappée de crème.
Blanche la neige carbonique, la neige le l'île flottante, la ligne à sniffer, la main des grâces.
Blanc le muscat du dimanche, le limé au comptoir, le clown gentil, le bonnet dont s'affuble le même. Blanc, le Noël idéal, magique, annoncé avec force neiges artificielles. Blanches les pistes balisées, sécurisées, ouvertes au canon s'il le faut.
Blanc le col du bureaucrate, le linceul, le fantôme, la housse dont on recouvre le mobilier des maisons de l'absence, des maisons hantées dans les films d'horreur, le surplis de l'enfant de choeur, la pierre dont on marque l'évènement exceptionnel. Blanche la dentelle hypocrite du brise-bise, l'hermine du pouvoir, la colombe de la paix, la combinaison du décontamineur, du bénévole avant le nettoyage des plages, blanche la blouse du spécialiste et du laborantin. Blanc le casque colonial.
Blancs l'uniforme humanitaire, les gants et le masque pour évacuer les blessés, compter les morts.
Blanche, la nuit des angoisses, la nuit de l'attente, la nuit de charrette laborieuse, celle de la dernière main, du marbre à l'imprimerie, la nuit de veille, de garde, d'urgence, la nuit hasardeuse du noctambule, la nuit de fête populaire instaurée en octobre. Blanche la fumée de diversion, celle du spectacle au laser, des centrales nucléaires, de l'élection d'un nouveau pape. Blanche la page en attente, la lumière crue des aveux, la canne de l'aveugle, la patte à montrer.
Blanchi l'argent nettoyé de tout soupçon, le coupable innocenté, blanc l'effacement, le trou dans la mémoire ou dans la conversation. Blanc l'écran sans film. Blanche, la voix sans intonation. Blanc, le seing.
En blanc le chèque signé à l'aveuglette.
C'est dans le blanc des yeux qu'on regarde pour tester la franchise. C'est carte blanche qu'on donne pour licence, pour signifier sa largesse et sa magnificence.
Blanc aussi, le drapeau agité pour la reddition.

sac
Objet culte depuis que les nomades sont devenus sédentaires et qu'ils ont troqué l'arme contondante contre l'escarcelle bedonnante.
Fait l'objet de toutes les convoitises, de toutes les futilités, les ingéniosités, les luxuriances, du sac à tout au sac à rien, du filet à provisions au "bag" publicitaire, du sac plastique au sac papier de marque "arty", du sac à main du soir au sac à dos urbain, du sachet couture à la sacoche de plombier, en passant par la commune panse artificielle portée en sous-ventrière, pour dériver en holster à portable, nouvelle arme portée sous le bras, à dégainer très vite, et la boucle est bouclée.
(Beau et chic vernissage au Musée de la Mode d'une exposition superbe, l'affaire est dans le sac avec 'le cas du sac', en ce mois d'octobre 2004.)

galette
= pain quotidien. Amalgame de céréales concassées plus ou moins finement et d'eau, elle représente l'aliment minimum pour tout être humain, avant le pain blanc en baguettes, la viennoiserie ou le maxi carré moelleux prétranché. Boule pétrie avant le jour, aplatie, cuite à point sur des pierres, un morceau de tôle ou dans la terre, pour le lever des hommes à l'aube et mise dans le havresac au départ des bateaux, caravanes, cars, trains, vélos... Galette bretonne, pain azyme, galette de riz, crêpe suzette, chapati, pizza, pan bagnat, burger, falafel, brik, fougasse, muffin, biscuit de mer, et bien d'autres noms pour désigner ce disque alimentaire de base, symbolisé comme nourriture spirituelle par l'hostie, distribuée à la communion dans le rituel catholique. Le mot est utilisé également dans le show-biz, en référence au "pressage" des disques de vinyle.
Pour signifier "qu'on a de quoi", on dit "avoir de la galette". Cette forme solaire circule autant de par le monde que la pièce de monnaie, qui d'ailleurs servait de fève dans les premières galettes des rois, fourrées abondamment de frangipane afin que le pain de fête, blanc, se distingue résolument du pain quotidien du pauvre, noir. Lequel crie famine, n'ayant bien souvent pas même de produit de substitution avec quoi triturer sa galette* et se fait ceinture lorsque l'aide humanitaire tant attendue tarde tant et plus. Et la boucle est bouclée.
*en Cotentin, on dut se contenter en de durs temps de guerres, de pain de fougère, laxatif, plein d'amertume et fade -surtout si on n'avait pu le pétrir à l'eau de mer, l'impôt sur le sel interdisant de puiser son seau pour la cuisine- , plus mauvais encore que le pain de mer restant à la fin d'une virée de plusieurs mois.
Triturages de quotidien en galettes:
voir expo

noir
Noir de nuit sans lune, d'aniline, de pierre, d'encre de Chine, de fusain.
Noir jais, noir corbeau, noir khôl, noir crayon pour oeil de biche, noir oeil de taureau.
Noir soutane, robe d'avocat, cat woman, frac, smoking.
Noir le cube fermé qui voit tourner les pélerins à La Mecque.
Noir des bas pour dames de petite vertu, des dessous sexy, des tenues sado-maso, des fouets et des fers, des combinaisons de latex, des cuirs mâles de rocker, noir intégral des jeunes gothiques, des adeptes de Satan et autres Lucifériens. Noircie la réputation salie par la rumeur, noircies les mains qui ont trempé dans des affaires pas claires.
Noire la fumée des pneus allumés par des excédés devant les supermarchés, sur les autoroutes ou les parkings d'entreprises, la carcasse des voitures incendiéesdes sacrifices kamikazes.
Noir des gueules, des corons, de la nuit souterraine, de l'asphalte, des boulettes de fuel, du coaltar, du cirage, des idées qu'on rumine. Noir qu'on broie. Noir d'ébène, bois de cargaison. Noir le continent, noir l'objet de tous les trafics. Noire la note qui vaut la moitié d'une blanche ou le double d'une croche.
Noire la hutte du charbonnier, l'antre du forgeron, la piste dangereuse, l'humeur sombre, la bouche d'ombre, la veuve, l'araignée venimeuse, la bête que l'on hait, la destinée funeste. Noir le récit romantique, rempli de châteaux en forme de chausses-trappes pour naïves héroïnes, apprêtées, d'épreuve en épreuve, à subir les pires turpitudes. Noir le roman farci d'énigmes et de crimes de sang. Noir le film qui glace le sang.Noir le sang coagulé, noire la chair tuméfiée. Noirs les désirs obscurs. Noirs les desseins nourris au sein pervers. Noir le cabinet réservé aux enfants que l'on dit pas sages, le cachot de l'enfermement.
Noir le lou de Zorro, le bandeau sur l'oeil, le drapeau du pirate, l'emblème de l'anarchie. Noire l'âme perfide. Au noir l'oeuvre, l'écrit qui reste, le graphe à effacer, le fameux pot des marins, le travail non déclaré, sans papiers. Noires les abysses. Noire la forêt. Noires les villes polluées, les mains sales. Noire la peste.Noir le pain du pauvre. Noir le foyer éteint. Noir le corbillard. Noir le deuil de l'espoir. Noir celui qui noie son désespoir d'une ivresse amère bue jusqu'à la lie.

dignité/indignité
Digne
= celui a "la classe", qui mérite de... Exemples: élever à la dignité de... quelqu'un qui mérite d'être pris en compte, écouté avec intérêt, regardé avec respect, reconnu, considéré, décoré, distingué, admis dans des cercles très fermés, donné en exemple à la postérité, retenu par l'histoire. Perdre sa dignité = déchoir, de différentes façons, par exemple en piétinant son amour-propre par emportement, en faisant preuve de rigidité, d'absence d'humour, de bestialité, de barbarie, de sauvagerie dans le crime, et/ou par déclassement social: perte de travail, position sociale, arbitrage, fortune et pouvoir d'achat.
"L'humour est une affirmation de la dignité, une déclaration de la supériorité de l'homme face à ce qui lui arrive." (Romain Gary)
Indigne= celui qui n'a pas "la classe", ne mérite pas d'être choisi, écouté, reconnu, distingué, élevé, honoré. "Homme de peu", il n'a pas la qualité de citoyen à part entière ou l'a perdue par déchéance, a renoncé à tout, abdiqué ce qui faisait son "humanité", par conséquent il n'a plus droit ni au respect, ni à une vie privée, en un mot, à une vie décente. (voir décence/indécence) On remarque que la dignité va de pair avec l'argent: elle se gagne et se perd comme lui, avec lui et par lui, c'est pourquoi on les confond souvent. La dignité et l'indignité sont des phénomènes complexes étudiés transversalement en sciences humaines et sociales car on doit les comprendre, les exposer, les expliquer, pour juger, soigner ou enfermer en connaissance de cause.

salubre/insalubre
En rapport direct -spéculation immobilière en tête- avec les notions de décence, de goût, d'ordre, de sécurité, de propriété et de propreté. Un bien, possédé en propre, peut soudain être déclaré impropre à l'habitation, insalubre, et cela peut entraîner la dépossession de son propriétaire, l'expulsion de son occupant, pour de simples raisons de "mise aux normes", salubrité et sécurité obligent. Ce qui peut aider grandement à faire main-basse, en les changeant d'affectation par ce tour de passe-passe, sur des quartiers citadins anciens pour implanter des bureaux de prestige, sur des terrains de nomadisme ou des friches abritant des vies précaires pour cause de jeux olympiques, et à en chasser la population, qui ne pourra prétendre occuper les nouvelles constructions ou les réhabilitations dont les prix auront grimpé de manière conséquente, et sera contrainte à l'exode sans espoir de retour. La propreté est donc au premier chef l'indice de la propriété. Pas d'expression artistique ni d'affichage sauvage sur ses murs, où seule la publicité a droit de cité, car elle est d'un bon rapport. On ne saurait non plus tolérer, dans son enceinte de bon ton, pas plus qu'aux alentours, des odeurs, des bruits, des couleurs vives et des populaces intempestivement festives et démonstratives.

patate
L'avoir, c'est le signe d'une bonne santé physique et morale. Avoir X patates à la banque, c'est un signe extérieur de richesse, un gage de survie. Mais en avoir, même une seule à sa chaussette, c'est le signe de la pauvreté, de la négligence, un gage de vie précaire. Souvent, on traite de patate quelqu'un qui s'avère être une poire parce qu'on se fiche de sa pomme en disant que c'est bien fait. La patate qu'on lance pour la refiler à d'autres, c'est celle qui brûle les doigts, couvée sous les cendres de la misère, toute chaude sortie des brasiers de la colère.

...à suivre...

 

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'Rumeurs, actrices vêtues de la Tendance nue' essai, par May Livory

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