Le rituel des Pognes

La tradition: cette fête a lieu le 5 mai de chaque année.
D'abord, on "met les pognes au panier", c'est-à-dire qu'on collecte celles de l'année écoulée qui n'ont pas été adoptées et celles que l'on rapporte, au fur et à mesure de l'arrivée des participants.
On les broie ensuite finement dans un grand mortier, puis on humidifie la poudre ainsi obtenue et on lui ajoute assez de terre fraîche pour façonner de nouvelles pognes, selon le nombre estimé de participants à la fête. Le Bru a imprimé dans la nuit du 4 au 5, la "plaque émettrice" de son empreinte.
Le 5, un maître de cérémonie désigné pour l'occasion "serre" la pogne nouvelle, ni trop sèche, ni trop moite, la polit, trace sur elle quelques signes, dore ses tranches, la fignole à son idée. et donne ainsi le coup d'envoi des festivités.

Geste simple, degré zéro de l'art:
prendre une pogne de terre, de main gauche ou de main droite selon sa nature, et serrer pour imprimer le volume intérieur de sa paume aux doigts fermés. Laisser sécher, boire un coup, chanter la chanson des pognes "je t'en serre cinq", et la chanson du polissage, et d'autres encore, en s'accompagnant d'instruments.
Chacun ensuite avant que de prendre congé, prendra en main une pogne inconnue, et l'emportera. Elle lui tiendra compagnie et lui portera bonheur toute l'année : il est bon de sentir en sa main une pogne amie dans les circonstances difficiles de la vie! On la rapportera au bout d'un an, elle s'unira à la terre broyée des autres pognes, et recommencera le cycle annuel, de Mai à Mai.


 
image d'archives du Shukaba:
Shafemme inaugurant une des premières fêtes des Pognes
qu'on ait pu photographier.

Il m'a été donné, lors d'un séjour au Shukaba, d'assister à cette fameuse Fête du Doué, (fête comportant également le rituel des pognes).

La Pogne, c'est la main en tant que signe. Elle exprime l'être humain dans son entier et le signifie. Elle est aussi l'expression d'un groupe dont on dit qu'il est "uni comme les doigts de la main". Ce pourrait être le sens du ballet d'ouverture de la "Fête du Doué" au Shukaba, où deux groupes de 5 danseurs, se glissent dans les doigts de deux gants géants.

Cette fête à la fois solennelle, créative et pleine d'humour, qui donne la parole à dix danseurs formant deux mains géantes. La parole est bien le mot qui convient, puisque ces danseurs, par les figures codées qu'ils exécutent, font faire aux "mains" les gestes du langage des signes, que chacun comprend en simultané, sans pour autant manquer une seule note de musique. Fascinant discours muet, qui ne s'adresse qu'aux yeux mais ravit les sens par son harmonie et sa rythmique!
Sans exagérer, le Shukaba peut se vanter d'être le pays où la main parle!

Bianca Lobo
(extrait des Lettres du Shukaba à Jean Levrain in Correspondance 1956-1975) 

(voir Petit 5 sur5 Illustré,
journal d'un jour 5 Mai 2000, Barde la Lézarde)
 

 Bienvenue au Shukaba

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