parole
d'indigène ! on
a lu ! Mais mot pour mot, pas à pas, précisons et tirons enseignement d'une lecture appliquée. Le musée est «un lieu électif», peut-on lire. Prenons le Petit Robert, électif: qui choisit. Election: choix préférentiel du dieu (peuple élu etc). Doit-on comprendre que le musée choisit, labellise en quelque sorte, ce qui le constitue? «Le musée est un lieu alternatif.» Encore le Petit Robert, alternatif : qui présente une alternance. Périodique, successif (...) Mouvement alternatif: mouvement régulier qui a lieu dans un sens puis dans l'autre. Courant alternatif: qui change périodiquement de sens. (Logique) Qui énonce deux assertions dont une seule est vraie. (Droit) Obligation alternative : offrant le choix entre deux prestations. Le musée aurait donc plusieurs faces, qu'il montrerait tour à tour? Comment comprendre «la dimension pédagogique, propédeutique, comme parade» revendiquée? Revenons au petit Robert, parade : étalage que l'on fait d'une chose afin de se faire valoir. Affectation, exhibition, ostentation. Esbroufe, chiqué. Exhibition que font les bateleurs avant la représentation pour attirer les spectateurs. Arrêt d'un cheval qu'on manie, en équitation. Action de parer un coup, à l'escrime. Défense, riposte. Par l'association avec les mots «dimension pédagogique, propédeutique» se précise que l'action du musée, envers les scolaires notamment, est «déterminante» à plus d'un égard. L'ouverture du champ culturel à la noria des bus pleins de béotiens de tous âges fait la preuve du devoir d'accessibilité à tous accompli. On peut y voir aussi une façon de justifier le rôle du musée, qui se doit de «réaffirmer une complexité, réinventer des résistances, lutter contre les concessions à l'ordre du séculier, notamment en donnant une chance aux artistes qui y sont le moins sensibles». Plus qu'un rôle, c'est une mission sacrée: édifier, faire voir en mettant des mots sur l'art, car «s'ils ont appris le mot cubisme, les enfants verront Picasso. Tant que manque le mot, on ne peut rien voir.» Sans l'investiture, sacrée, les artistes et leurs oeuvres demeureront invisibles, comme l'essentiel dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry. D'où la mission, de découvrir, de faire découvrir dans l'évangélisation par la parole et l'écrit expert, et de scénariser un art «de plus en plus immatériel, qui prête le flanc à ceux qui pensent que c'est «n'importe quoi».» Le découvreur -dit aussi inventeur, notamment en entomologie ou en archéologie- en l'occurrence, la directrice du musée, commissaire d'exposition, capture un artiste, vivant ou mort, comme un étalon «sauvagement libre». Elle «accroche» sa découverte aux cimaises muséales, sa méthode: «écouter les tableaux qui vous disent où ils veulent être». Par exception, le musée associe l'artiste à sa propre découverte, on l'invite comme un enfant «qui déploie à nu et à vif sa curiosité» dans des «territoires inédits»: le musée serait-il un territoire inédit? Mais pour qui? La «réappropriation du musée par les artistes» invités électivement à l'investir de leur fraîcheur naïve et de leur force malicieuse, ce serait cela l'inédit? Les artistes auraient-ils perdu ce vert paradis, le musée, comme lieu approprié à montrer leurs oeuvres? Faire entrer par une procédure de type baguette magique, comme en se jouant, de leur vivant, des artistes au musée, aux côtés de ceux qui reposent là pour l'éternité, cela représente en effet à la fois un tour de force et un pouvoir exorbitant. Privilégier «la vraie aventure, dans un champ international à sans cesse (re)baliser», ce serait cela, «l'engagement total» requis, sans alternative, auprès de ces grands immatures qu'il «faut aider à préciser, voire à dépasser» leur «propre rêve»? Alors surgira le «miracle», l'effet de la grâce d'état, comme le dit la religion catholique de la grâce que l'on reçoit en cas d'action perpétrée dans une foi absolue. Aux artistes d'investir les lieux offerts! -Petit Robert, investir: revêtir solennellement d'un pouvoir, d'une dignité, par la remise symbolique d'un attribut. Entourer, cerner, encercler. Employer, placer des capitaux dans une entreprise- Serait-ce une invitation implicite à l'occupation ? Mais voilà, l'âge d'or est révolu où les donations constituaient le plus gros des fonds des musées. Vers la fin de l'interview, on peut lire : «Maintenant, l'art contemporain exige que les musées deviennent des producteurs». Mais alors comment faire? Convoquer le génie! «Les gens viennent au musée pour rencontrer le génie du lieu.» Voilà où surgit la surprise. Les artistes n'en attendaient pas moins. On pourrait dire aussi qu'ils ne pourraient en attendre plus. C'est avouer que de ça, ils n'attendent rien. Le génie du lieu, déjà installé dans les murs depuis belle lurette, occupe tout l'espace, supplée au manque de talent, comme le génie de la Bastille indique le sens du vent. Suivons les arguments proposés, soyons de bonne foi, accompagnons mentalement l'expérience, mettons deux statuettes de Giacometti dans la vaste poche d'un imperméable, celui précisément du Phénix, de l'artiste, l'hôte olympien, s'abreuvant de nectar divin, sortons-les pour les poser sur le rebord d'une fenêtre de gare désaffectée, elles resteront ce qu'en a voulu faire le sculpteur, deux oeuvres qui tiennent debout. Elles resteront debout sur le dos d'une vache, elles tiendront debout partout, comme tiendrait debout sur une table de cuisine en formica une déesse archaïque de Sumer ou sur un guéridon Louis-Philippe une statue des Cyclades. Le fait que l'oeuvre soit ancienne ou moderne ne peut laisser présager de ce qui la mettra en scène dans un contexte culturel donné. Elle n'a pas été faite pour être mise en boîte. Une autre nécessité l'a précédée, une autre logique a présidé. Vient le souvenir de l'achat fortuit d'une oeuvre magnifique qui servait à caler la porte branlante d'une échoppe, là-bas. L'oeuvre tenait seule debout. Aucun rideau de velours, aucun commentaire, aucun discours de spécialiste, pas d'expertise, aucun désir esthétisant, pas de catalogue mortifère, aucun espace pour la mettre en valeur, la rendre visible, la susciter, la ressusciter, elle était là, seule, debout, dans une coin poussiéreux, érigée non par l'esprit des lieux, fantôme aléatoire, mais par le seul génie de l'artiste, lui seul debout, toujours présent dans l'encoignure et l'obscurité. L'oeuvre avait survécu à toutes les intempéries, à toutes les négligences. Elle était là sans aucun étayage. Elle nous précédait. Le génie des lieux n'existe pas. C'est le fantasme propre aux gens qui ne créent pas, une niaiserie, une illusion, celle de s'approprier, par une sorte de captation scopique, puis d'identification projective, l'oeuvre et bientôt la création de l'oeuvre entière. L'oeuvre est la production des mains d'un artiste que la pensée agit. C'est la présence de l'oeuvre qui crée son lieu. Jamais l'artiste n'invoque ni ne convoque les fantômes, les grands ni les petits génies, il n'en a ni le temps, ni surtout les moyens. Le fantôme des lieux est le luxe esthétique, grand-bourgeois, d'Oscar Wilde. Le fantôme n'est qu'un drap vide. Rien de faustien dans un drap blanc. L'artiste travaille. Il pose, lui, un drap blanc, humide, sur la terre qui servira au moulage. Il est le seul concerné par l'intention, la mise en oeuvre et le résultat de son travail. Le reste, c'est littératures, expertises et calculs, marchés de l'art, cotes en bourse, poussières, panégyriques, odes, sépulcres, stratégies, beautés ensevelies et révélées, malédictions et saluts, mots et vanités, du vent emporté par le temps. Isabelle Dormion et May Livory, ethnologues, artistes et chercheuses La controverse de Khéops 8 décembre 2004, mise en ligne d'une suite de mails gigogne sur un livre qui fait depuis septembre des remous dans "les milieux autorisés", laissant tout loisir à la presse de trouver, pour la pêche au lecteur, des accroches croustillantes dans le flou scientifique savamment entretenu des querelles de chapelles (ou de pyramides). 7 décembre, d'Isabelle Dormion: - «L'article non signé paru dans le numéro de novembre de «Science et vie» porte le titre suivant: «Khéops, une découverte bidon». Il est placé dans une rubrique classée "polémique". Il inciterait donc à la lutte. Comment lutter contre des auteurs qui n'ont fait de l'ouvrage qu'une lecture approximative, ou nulle, comment lutter contre l'erreur de logique, l'insulte, la surinterprétation, l'euphémisme, le contresens, la perfidie? On trouve dans cet argumentaire défectueux toutes les figures de style d'une rhétorique de bas étage, superficielle et boiteuse. Cette rhétorique est mensongère. En reprenant mot à mot les termes non scientifiques à caractère diffamatoire, les mots réducteurs, les adjectifs approximatifs, les points d'exclamation intempestifs (le sarcophage est bel est bien là!), les points de suspension (Quant au plafond de granit il a tenu), les guillemets, des euphémismes douteux (la faute aux pillards) il n'est peut être pas inutile de dégonfler la baudruche avant qu'elle n'éclate. Si l'argument n'est qu'un raisonnement tendant à apporter une preuve, consolider ou invalider, examinons le prédicat asséné: "Découverte bidon". Qui a parlé de découverte? Pas un mot dans l'ouvrage cité en référence. "Bidon" serait donc là le seul syntagme prédicatif. L'article structuré à partir de ce prédicat, non pas "découverte" mais "bidon" est un pur sophisme, livré hâtivement dans l'intention de tromper les lecteurs non informés, c'est à dire ceux qui n'ont pas pris la peine de décrypter page après page l'analyse sophistiquée de Gilles Dormion. En effet il y aurait entre ces deux termes "sophisme" et "sophistiquée" une même racine grecque, mais tout oppose aujourd'hui ces mots: une vérité contextuelle, la réalité monumentale, la minutie de l'observation architecturale, faite sur le terrain, les relevés étayés par des mesures rigoureuses qui ne peuvent être mises en question, car elles sont chiffrées. Il y aurait des mots aux chiffres une vérité que la polémique servirait à non pas à traquer mais à déceler. Il y a dans cet argumentaire polémique
bâclé un contre-sens fondamental. Les mesures prises
en architecture sont mathématiques, le raisonnement est
d'ordre logique, précis et déductif. Il repose
sur une série de faits constatés, fidèlement
consignés, selon les lois de la physique. Aucune "découverte"
sensationnelle mais une description tirée d'une réalité
intangible jusqu'à ce jour. Chacun peut observer la pyramide,
s'il a des yeux pour voir. Ce qui est là est encore là,
pas une pierre, pas une faille qui ne soit décrite et
encore là, aujourd'hui même, sur le terrain. Il
suffit de comparer les plans à la construction. Rien dans
les relevés qui ne soit posé à Guizeh dans
la réalité. Il ne s'agit pas d'une hypothèse
mais d'une réalité, transposée sur le papier
par l'observation et le graphisme. La photographie offre une
autre technique retranscrivant le terrain. Les mesures géophysique
sont incontestables et ne peuvent présenter la moindre
ambiguïté dans l'interprétation. Les ondes
relevées révèlent un vide. A moins de remettre
en question les lois de la physique ou la probité des
géophysiciens. Voilà où l'article induit
le soupçon. Et si les mesures géoradars étaient
fausses? Elles ne sont pas fausses. Elles transcrivent graphiquement.
Mais si les opérateurs (nous) trompaient? Voilà
le soupçon installé. C'est là, au coeur
de l'argumentaire pseudo-scientifique que se distille le perfide:
"l'ambiguïté des images", suivie d'un point
d'exclamation. Cette figure est une métalepse, c'est l'antécédent
pour le conséquent, de telle sorte qu'elle vient à
point non pas pour dire que la mesure géophysique est
"ambiguë" mais pour justifier l'ambiguïté
des arguments qui précèdent de façon quasi
métonymique, par un glissement de sens d'un paragraphe
à l'autre. Si ce qui est le plus probant, des mesures
prises par des professionnels, des scientifiques, des tiers,
sont fallacieuses, rien n'est vrai. Si les mesures captées
par des appareils sont peu fiables, peu vraisemblables, invérifiées,
tout est faux. Voilà le sophisme. NB. On trouve aussi dans la présentation "Blake et Mortimer", qui, joyeux et désinvoltes, l'un barbu, l'autre blond, ouvrent le débat épistémologique au niveau réducteur de la bande dessinée et surtout des chercheurs-amateurs restés très proches de l'enfance. C'est insultant. Plus loin, "égyptomanes", qualificatif qui réduit le travail mené à une manie compulsive incurable, une psychose à psychiatriser. C'est encore insultant et bas. -» Claude Dalmat Où va Kristeva? Il est rare qu'à la suite d'éditoriaux nous soyons incités à hurler de concert ou moduler un contre-chant a capella dans ce silence grégorien affreux et glacé qui précède Noël. C'est le miracle de l'Avent. Deux articulets de Libération dans Rebonds de Pierre MARCELLE ont non seulement reçu de notre petite chapelle (une ch'tiote absidiole) un suffrage sans réticence, mais réclamé la redondance, le rappel, le hurlement avec les loups, le tapage infantile sur dix mille casseroles rouillées, l'enfonçage du clou répété avec martelets de tapissier dans l'huis libéré. Non seulement Jelinek est honorée à sa mesure, avec tout l'excès qu'elle mérite, mais TristEva, au contraire, enterre définitivement nos plus belles, nos plus jeunes années dans les pourpres, les trompettes, les glas et les pompes aurifiées. L'apothéose d'une littérature vieillie et surtout vieillissante, celle qui nous vieillit activement par cette modélisation vernissée de la pensée, cette apothéose arthritique, muséographique, celle qui nous sclérose en plaques, réveille en nous un vieux, un jeune sursaut, galvanise les artères, ragaillardit les entrailles, réchauffe les humeurs, réactive les endocrines, libère les artères, oxygène les cellules, fait autour de nous battre le rappel, sonner le tocsin, dénoncer ce boxon honorifique comme l'indice que le pire, supputé hier, est la pitance d'aujourd'hui obligée. Kristeva est caramélisée en sa gloire, Jelinek aussi. Pourtant, rien de commun en ces deux firmaments étoilés, hormis, pour l'une, la lune cachée par le dextre. Entendu hier matin sur France Inter un laïus très drôle d'Ariel ARIEL sur l'expression «faire-faire» (des rideaux sur mesure, faire-faire en Pologne, en Roumanie, décentraliser, gobaliser, faire-faire). Niaisement approbatrice, opinant du chef. Laisser dire. Que signifie cette expression? Jusqu'à nos propres mères et sauf leur respect, lectrices assidue du Figaro, que cette nouvelle rage a gagnée en troisième et quatrième âge, toutes ragaillardies en choeur. Les voilà acquises, inoculées très en forme. Khéops par ci, Sarkozy par là, un avis sur tout, refaisant le monde, il n'ira quand même pas se commettre chez ce crétin, Zahi Hawas tout dioxinisable ou digitalinisable de leurs propres mains, vigiles de la vingt-cinquième heure, que penses-tu au fond de Derrida, Pauvert, quand même, quand j'y pense, Jean-Daniel est loin d'être un sot, dommage qu'il pontifie, faut-il avoir peur des turcs, même couverture chez les uns et chez les autres, comment veux-tu qu'on s'y retrouve politiquement, l'Europe, je n'en sais foutre rien, etc. Très rajeunies par l'excès de rage. Elles prononcent Bush comme on dit à Noël, rondin, bûûcche. Reçu d'une jeune revue, sur l'engagement, qui devait publier un collage d'Agassi, agacé, lançant la tête de Bush en engagement, cette question «pensez-vous que dans six mois cette question sera encore d'actualité?». Je n'ai pas répondu mais je trouve ça très drôle et pour tout dire, pathétique. Dans l'air, quelque chose d'intolérable,
y compris pour les plus résignés, les plus fatigués,
les plus indulgents, les plus passifs, les plus incontinents,
les plus débilisés, les plus parkinsoniens, les
plus craintifs, les plus abonnés à Télérama,
les plus cosy-corner, les plus repus, pansus, fessus, dodus du
chef, dandy, dandinant du cul, même chez les plus cons
de mon entourage proche on la sent bien cette rage grandissante,
menaçante, un signal d'alarme, l'alerte rouge, l'Ours
Canel en peluche pour les fêtes de Noël, attention,
ça commence à bien faire, ces conneries, la loi
interdisant d'insulter son prochain légitime, attention,
attention! On ressort déjà, ici, le vieux glaviot
et là la kalachnikov, le meurtre à l'anglaise parfaitement
botanique à la datura et la lettre anonyme, la délation
et l'abjection, au choix. Ceci appelle cela. Ceci exige cela.
C'est unanime parmi les plus obtus de mon entourage proche. Certains
ne commandent même plus à la Redoute, malgré
les 30% de rabais festifs. D'autres boudent la Fnac, même
bardés de bons de lecture du comité d'entreprise.
C'est dire. Pas de trêve pour les confiseurs Un article insolite a attiré notre attention dans Libération le 19 décembre 2004 sur les loukoums d'Istambul*, confiseries traditionnelles dont raffolent tous les jours les Turcs. C'est bien dans les premières ruelles du bazar égyptien, juste derrière Rustem Pasa, que les abricots secs, les confitures de cerises en pots alignés, le miel d'or, les amandes, les chapelets de figues sèches, les pains friables de halva aux pistaches sont entassés, c'est là que les variétés poudreuses des doux loukoums sont offertes en vrac. Quelque chose, curieusement, nous retient d'en acheter. Ressentir physiquement les limites, les frontières de l'Europe en allant vers la frontière greco-bulgare, c'est ce qui vient à l'esprit. Dans l'autocar, il n'y que des gens d'Edirne et d'Istambul et un black, peut-être somalien, fanatisé, les yeux brûlants, qui récite les sourates d'un exemplaire du Coran trop neuf. Il est coaché par un autre type, moins nerveux, qui parle et explique sans fin, malgré le sommeil qui envahit l'autocar, malgré la musique en arrière fond rythmé. Sur la route, rien. Pas de culture, pas de champs, pas d'élevage, rien. Près de l'ancien pont construit par Sinan, plus tard, je pourrais prendre vers la droite, pour aller vers Zonguldak, Inebolu, Sinop, Trebizonde. Pluie glacée et bourrasques de vent. Pas un touriste. Accueillie à la gare routière par un soldat en armes, qui vérifie au jugé les voyageurs à ce terminus trop neuf balayé par les courants d'air. Pas d'exotisme, ni local, ni urbain, ni frontalier. Des gens venus de l'Est. Ces longues écharpes en laine multicolore tricotées. Ces foules très mélangées, ces gens tous si différents. Identiques, les parkas sombres, les pieds boueux, les hommes qui s'affairent. Ils vont et viennent. Ils semblent prendre les choses en mains. Certains ne portent que des sacs en plastique. Dans le bus bondé qui mène à la ville, deux fillettes de type indien, yeux très noirs en amande, sont vêtues de vestes poilues et de bonnets identiques qui leur donnent des airs de champignons violents, des ammanites d'une espèce particulièrement festive, l'une est en rouge vif, l'autre en mauve. La plus grande dit quelque chose, que je ne comprends pas, dans une langue que je ne reconnais pas. D'où je viens? De loin, me semble-t-il. Pourtant l'Europe n'est qu'à deux pas. On croit toucher la limite. Faux. C'est très loin à pied par ces routes trempées. Près de la grande mosquée balayée par un vent glacial, des dizaines de femmes tziganes se rassemblent sous le porche d'une banque. De partout, elles arrivent, de tous âges, sans homme, sans enfants, l'une d'entre elles est borgne, l'oeil mutilé caché par un pansement grossier, elles ne portent que des longues jupes d'étoffe légère, des socques aux semelles de bois dans la pluie et la boue, elles marchent rapidement, venant de toutes les rues de la ville haute. Des enfants sortent de l'école, d'où nous venons? Ne connaissent pas ce pays ni cette ville. Ils font répéter. Ils rient. Se mettent en groupe pour la photo. Ils rient et s'éclaboussent dans les flaques d'eau. On les place par ordre de grandeur. Les filles ont des dents de lait qui manquent devant. Elles rient et mettent leur main en se poussant. Dans le magnifique caravansérail qui conduit à la mosquée, je sympathise avec une très vieille femme, que je prends en photo. Elle me présente à sa fille et sa petite fille , Hayrriye Urutujkçu. Elles sont venues regarder l'or, les bracelets. En ont-elles acheté? Je ne sais pas. Je ne leur demande rien. Le bijoutier écrit leurs noms sur l'enveloppe en souriant. C'est le dimanche que nous saurons pourquoi il est impossible de mélanger à la fin de l'année la douceur du loukoum à l'amertume et à la douleur. Tous disent: il n'y a pas de mots. On ne peut rien dire de plus. Dans les témoignages, nous reconnaissons un homme aux yeux cernés et sa femme, survivants. Ils ont perdu leur deux petits garçons sur la plage. Ils remercient la jeune thaïlandaise qui vient leur apporter du lait, ils serrent sa main prodigue. Les gestes et les mots, les larmes, c'est tout ce qui resterait aux hommes pour rester humains? Isabelle Dormion Entre Roger et Bambi* Qui écrit ce qui est donné à entendre à la télévision? Parfois on peut se poser la question ainsi, se rendent-ils compte de ce que lecteur lit de ce qui est entendu? Savent-ils l'effet produit sur l'indigène? Il suffit d'enregistrer ce qui est dit, de l'écrire et de le relire mot à mot. Ce midi, à l'heure où grillent les six saucisses au thym, à l'heure où sous la tente après la marche lente vers l'oasis (lointain) pour un repos mérité, j'égrène les feuilles de menthe dans le récipient de terre (posé sur les cendres), à l'heure où les (mes) ovins restent disséminés sur le sable durci, rêvons, ce midi donc, on entend, on enregistre on écrit, on lit «entre Roger et Bambi, c'est une véritable histoire d'amour». Un homme, un chasseur à moustaches, comme vous et moi a donc recueilli un petit faon orphelin, il n'en a pas fait sur le champ des grillades à la confiture d'airelles, non, il l'a nourri, il l'a apprivoisé, Bambi, et pour un chasseur, c'est le comble de la gentillesse, guidé par son bon coeur, poussé par la générosité optimale, suite à l'émotion qui s'empara légitimement de lui et de nous tous, dûment télévisionnés, suite au grand élan de générosité globale, cette nouvelle conscience planétaire qui nous saisit à l'occiput, grâce à la mondialisation, à l'information, grâce à l'internet, grâce à Mac Luhan, grâce au Dieu nouveau de Noël qui voulut bien attendrir hexagonalement notre individualisme franchouillard à forte tendance consumériste, bref, grâce aux présentateurs de toutes les chaînes réunies qui ont su toucher en nos coeurs de ferblanterie la nouvelle fibre, la nouvelle valvule galvanisée de la conscience planétaire, grâce à Alain Finkelkraut qui est un homme paraît-il capable et très intelligent (?), grâce à chacun, grâce à Claude Allègre qui portait une chemise orange à col pointu optimiste, grâce à tous, nous, vous, tous unis dans un même élan, nous avons ouvert nos yeux hier, nos sensibilités, et enfin notre porte-monnaie. Nous ne nous reconnaissons pas. Que voit-on dans l'écran, que lit-on après enregistrement: une véritable histoire d'amour, là, aujourd'hui, en début de semaine, le jour de la lessive. Un miracle d'Andersen. Hier je craignais le vent force 12 en Ecosse et en Suède, en Estonie, hier je craignais pour la retraite, pour le trou de la sécurité sociale, pour la Constitution européenne, pour la Turquie, pour la cristallerie d'Arques, pour le choix difficile d'un médecin traitant traité de haut, aujourd'hui pas du tout. Je suis bonne. Je suis attendrie. Non seulement, aujourd'hui je suis gentille, je sais faire les fruits déguisés pâte d'amande, dattes, pruneaux et noix, je les offre à ma voisine, je pétris les cornes de gazelle, je les offre à ma cousine, je roule les petits croissants aux pistaches, je les refile aux pauvres, non seulement je ne pense plus de mal de personne, je n'en dis plus, pas ça, pas un iota de vilenie, j'aime le monde entier jusqu'aux limites possibles avec ma nouvelle conscience planétaire de citoyen du monde comme une prothèse éthique improbable, mais surtout ça, très nouveau, très Disney nigthmare: «Entre Roger et Bambi, c'est une histoire d'amour», et de ce côté là, je suis enfin tranquille. Isabelle Dormion, 10 janvier 2005 Lire le film Quelqu'un demande «qu'as-tu vu?». Tout ce qu'il est possible de voir dans un minimum de temps, y compris «le troisième homme». Demain, si tard, enfin apprendre l'air. C'est immédiat, il suffit de dire «le troisième homme», ils se mettent tous à chantonner l'air. «Rappelle-le-moi!, mais si, c'est ça!» demandent-ils, et le lendemain, ils sont tous à Denfert-Rochereau, faisant la queue, les Catacombes pour les uns, les Egouts pour les autres, l'évocation, le rêve en rentrant derrière le bitume, l'envers du trottoir, le miroir brisé d'Orson Wells, les grands secret de l'art. Eaux bourbeuses, un visage dans l'ombre et la lumière. Chercher de l'argent pour faire un dernier film et noir de désespoir, boire jusqu'à la mort. Quelqu'un dit, toujours à France-Culture, dans une présentation qui se veut fantaisiste de la chose, «un enfant qui rit, c'est la poésie».Je suis allée à la sortie des écoles, des baffes en rafale je leur donnerais, bousculée trois fois, j'ai cherché la poésie, je n'ai rien vu. Des cours de récréation bétonnées, institutrices surmenées par les impératifs des circulaires ministérielles, les dictées, ce n'est pas en exhortant le petit clown que jaillit la poésie. Le ballon rouge chez Soupault, chez Jacques Tati. Un ballon rouge. Le marchand de ballons. Un lâcher de ballons dans un régime sino-totalitaire n'est pas aussi lyrique place Tian An Men, place des héros, devant le Lutétia. La forme. Vu dans un journal une photo qui m'a frappée. Une femme désarticulée a été renversée par un véhicule blanc, laissé en arrière-plan flou sur la chaussée. La main manucurée aux longs ongles et l'élégance du geste, le poignet arrêté par un poteau métallique, le regard mi-clos d'une diva, font qu'une seconde on croit à une mise en scène. Je lis samedi dernier, à la suite, dans Libération, un commentaire de Gérard LEFORT sur cette photo qui divulgue le nom de la femme. Elle est vraiment morte: une femme, une passante, pose une veste, peut-être même sa propre veste, sur la victime, comme pour la protéger de l'indiscrétion de notre regard, ajoutée à l'intrusion du photographe. On cherche sous les paupières un signe, même ténu, que la femme est encore vivante. C'est ce qu'écrit G. Lefort, il a vu le trépas dans un regard «dégingandé» par un raccourci étrange de l'allongée. C'est le corps, désarticulé et mince qui semble celui d'un mime, d'une actrice tragi-comique dans un film néo-réaliste italien, Dalida à terre revue par Roland Barthes, lui même renversé à mort dans la rue. J'ai lu le dernier film de Woody Allen que j'ai beaucoup aimé, malgré les critiques unanimement mauvaises. Loin de m'ennuyer, j'ai trouvé le sujet ambitieux et difficile, désabusé. A quoi bon? J'ai détesté la dernière scène, devant un ballon de rouge, qui prend le spectateur pour un crétin, la vie c'est ceci, la vie c'est cela, on claque tous un jour, la tragédie c'est ceci, la comédie c'est cela, c'est aussi stupide que d'asséner la poésie en forme de rire d'enfant, d'«étoile qui rauquait son rire indéniable»*, de ballons rouges en lâcher municipal, asséner la poésie à coup de «maisons follies» et autres turlupinades du Nord, une façon comme une autre d'occuper les intermittences de l'invention. J'ai vu «Terre promise» d'Amos Gitaï et j'irai le revoir. L'art de la concision. L'efficacité. Un choix. C'est comme ça, un point c'est tout. Entendu Lanzmann, prudent et contradictoire, évoquer «la génuflexion oblique des dévôts pressés» une citation de Flaubert assénée aux commentateurs éhontés de l'holocauste. Sa difficulté à dire que s'il faut absolument parler, il faut surtout se taire. Il dit «parler en silence», ce que fait Gitaï dans la bande son du film, un cri et des pas. Insupportable musique de «Nuit et brouillard». On coupe le son, horrifié. Resnais a laissé cette musique? J'ai vu «Ocean twelve», curieusement peu blasée et jamais ennuyée, de plus en plus attentive à la juste adéquation entre le son et l'image, le fond et la forme, l'intentionnel et le manifeste. Tout se voit, tout est rendu lisible: audible et visible, l'âme de l'artiste au toucher du piano, c'est le style sans l'effet du style, sans l'intention de l'effet. Répondre à quelqu'un qui demande «tu as vu tel film?»: Oui. Ou raconter pendant une heure le détail des «neufs reines», plan par plan, jusqu'à l'excécration. J'ai un jour en Turquie gagné un concours de littérature. Le prix était un petit oeuf en onyx. Je le voulais. Tristan Tzara et Soupault. Incollable. J'ai eu l'oeuf. J'ai été ridicule. J'ai retrouvé chez Fellini une scène semblable, pathétique. Le personnage répondant aux questions est plus fort que l'examinateur. Dans «Arizona dream», un personnage s'identifie aux héros dans le champ de maïs, poursuivi par un avion en basse altitude. S'identifier à Kafka. Entrer dans une compagnie d'assurances. Mourir aphone. Isabelle Dormion, 24 janvier 2005 La séparation J'examinais à la loupe une miniature de Khamseh de Mir'Ali Chir Newâ'i peinte pour Badi'i ez-Sémân, "accablé par la séparation" quand je fus prévenue de la mort, par une rupture d'anévrisme, d'une amie iranienne, dont quelques jours plus tôt, je regardais la photo, personnage central d'un groupe soufi à Ispahan. Il se trouvait que l'hôte avait fait le portrait de ma tante à Téhéran, il y a de ça une quarantaine d'années, une femme à la beauté et à l'élégance remarquables, qui portait sur cette peinture un collier de turquoises, cette pierre d'une couleur froide qu'elle aimait particulièrement. Ce peintre a réalisé, il y a quelques années, une peinture étrange d'une église arménienne d'Ispahan. C'est le lieu, vide, non le lieu architectural, non la structure, mais le lieu qui donne lieu. Dans l'atelier, il travaille avec des reproductions minuscules aux couleurs médiocres des peintures de David, pour le couronnement de Napoléon. Je lui parle du peintre Delacroix, pour les ciels, de Nicolas Poussin, et plus tard, il pourra feuilleter un livre sur l'impressionnisme. Nous sommes ici, à Paris, très habitués à ces remarquables éditions où la qualité des textes s'allie à l'excellence de l'iconographie, nous rendant critiques et souvent futiles. Cette exigence de la perfection, seuls ne peuvent y prétendre que les artistes qui engendreraient de tels chefs d'oeuvres de la peinture. L'ouvrage remarquable écrit par Basil Gray répertorie les plus belles miniatures de la peinture persane, de l'époque mongole à la période sevéfide. C'est pourtant au XVème siècle qu'on trouve les plus belles peintures, les deux Nimazi du British Museum, où à ce propos, l'érudition sereine du conservateur se déploie en investigations malicieuses. Ces études critiques ne ferment pas le débat, elles amorcent des pistes: si je ne trouve pas dans un ouvrage de l'Institut oriental de Saint-Petersbourg une miniature recherchée, je la trouverai ailleurs, ce qui propulse au voyage et fourbit quelque alibi. La simplicité du propos: un arc et le dragon, un prince et son jardin, une femme à sa fenêtre, le lièvre débusqué, Iskandar luttant contre le sommeil, deuil du mari de Leïla, les larmes y sont amères, un vieux lutteur vainc son élève, Ali enlève la colonne de Salomon, pique-nique au bord des eaux, femme harassée l'après-midi, voleur surpris dans la nuit, femme zélée souriant aux oiseaux. La complexité d'une culture: cet Anglais ironique nous promène en bateau par (ou sous) la Manche. Pour voir «Rostem endormi sauvé par son cheval Rakch de l'attaque du lion», nuages bleus sur fond or, il suffit de passer le Tunnel et de rejoindre Londres sous la pluie. En effet, s'il est maintenant au British Museum, il n'a «jamais été terminé, il n'est pas margé». C'est une page détachée d'un manuscrit. Elle n'est pas reproduite dans l'ouvrage et c'est ce qui «correspond à l'exemple idéal de l'esprit soufi». Isabelle Dormion, 30 janvier 2005 Une nonne espagnole Lu l'excellente préface de Kenneth White à "La nonne militaire d'Espagne", de Thomas de Quincey, ouvrage traduit par Nicole Tisserand. Jubilatoire, très drôle, quelques pages rapides donnent, ce qui est rare, envie de lire et de relire, sur papier velin, les bouquins qui ne risquent ni le rebut soldé de Saint-Germain, ni le pilon. Retrouvé dans une vieille pile innommable, non lue, l'article de Florence Aubenas écrit à la libération de Chesnot et Malbrunot, le 23 décembre 2004. Traqué dans chaque ligne l'alpha et l'omega, quelque chose, l'indice, un début ou une fin de piste. Je n'ai trouvé qu'une grande prudence stylistique qui ressemblerait à la quasi langue de bois, rien d'autre qui pourrait annoncer son enlèvement. Les panneaux, à l'envers du polyptyque de Gand, l'Agneau mystique, peuvent être négligés lors d'une visite trop rapide. Le linge sacerdotal, bordé d'un liseré bleu, baigné par la lumière (1432). La guimpe aux rabats amidonnés et repassés, encadre, trapézoïdale, le visage austère de la donatrice. Dans le beau livre publié par Actes
Sud/Motta sur le peintre Cosmè Tura, Monica Molteni, brillamment,
p.166, souligne les tensions anti-hérétiques qui
déchiraient en Italie le siècle (XVe) théologique.
On remarque, en bas, à gauche, sur le «Saint
Jérôme dans le désert», exposé
à Londres, un léger pivert*, sous le bras levé
du saint portant à la main un gros pavé, posé
sur une branche coupée, dessinée en exact prolongement
de la queue. Le volatile picore l'écorce d'un conifère
au tronc d'écailles sombres, tordu. Rien d'autre. Plus
haut, une chouette observe l'observateur. La chouette a les yeux
ronds. Le lecteur répond ou non. Libre à lui. Ce
n'est pas moi -cette fois-là- qui jette la pierre. Plus
loin, à peine un battement de paupières, Saint
Jean, tout mollement étendu parmi des rochers cartonneux
à Patmos, sous l'égide d'un aigle évangélique
qui surveille l'élaboration de l'Apocalypse, tout ça
de trop près, sévère bec piqué dans
la reliure. La commentatrice dit que le ciel (lumineux) renvoie
à une époque plus tardive. Isabelle Dormion, 7 février 2005 Que les morts soient contents! -Ou la distinction- C'est un magnifique entretien avec Roger Planchon qui augure la semaine. Il présente, édité chez Plon, un ouvrage dont je ne cesse depuis midi de me demander s'il est au pluriel ou non: «Apprentissage(s)». Le dialogue, lui, est singulier. Roger Planchon, dont les deux oncles sont morts aux mines de Saint-Chamond, est la distinction même. Il sait faire la différence entre un poirier et un pommier et il ne prend pas en conséquence les auditeurs pour des pommes. C'est bien le moins que nous puissions demander avant de refermer le poste sans coup férir. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. On reste rivé au poste. Il honnit le mot «culture», citant un maire d'une grande ville française, parlant d'un parking de la municipalité, «tout est culturel!». On comprend que le terme ait beaucoup trop circulé pour encore être utilisé sans forfaiture. Il suffit d'entendre aujourd'hui citer René Char, le grand poète instrumentalisé, pour craindre le pire, un contrat d'armements ou la fermeture d'une cristallerie dans le Nord Pas de Calais. Il suffit de regarder impuissants et navrés la fermeture des bibliothèques de comité d'entreprise pour devenir circonspects. L'usage des mots, c'est ce que suggère Planchon, que je vais lire sans blablater d'avantage, est tout ce qui nous reste avant le cynisme, cette «pourriture de l'esprit». Non que l'innocence soit un devoir moral. C'est que l'amertume pourrait être une faute intellectuelle, un péché, avant d'être une faute de goût. La grand-mère de Roger Planchon parlait aux morts avant d'aller au lit. Il faut bien entendu les ménager, surtout les calamiteux, les pénibles, les emmerdeurs quotidiens, il faut leur dire des choses tendres pour que les mânes au logis demeurent paisibles. Par hasard je suis tombée, en un instant
miraculé, alors que je ne cherchais rien, aux Puces de
Vanves, que je ne connaissais pas -parmi des objets modestes
et domestiques récupérés par la brocante
élégante du 14ème arrondissement, les louches,
les paniers de vendangeur, les pauvres écumoires et certaines
boîtes à épices vendues comme le saint-Graal,
à prix d'or-, un trésor caché dedans, un
manuscrit au crayon, la mine de plomb dans les tranchées.
Sur un étalage mouillé par une rigole d'une bâche
mal ajustée, un petit carnet rouge relié d'une
bande gommée. En première page, carnet appartenant
à Paul Boursin, 1er Bataillon de chasseurs à pied,
à Troyes, débute le mardi 23, moral parfait, «nous
nous installons tout doucement et confortablement dans les environs
de Troyes» ni paille, ni boue, ni pluie, fin désabusée,
«marocains, certains salement amochés. Après
réflexion, j'épargne mon superflu relégué
au milieu, sans planche tout cela ne vaut pas une permission,
après six mois de présence, j'ai droit à
la perm regl. De six jours, je fais projets, je rêve, jusqu'à
la fameuse offensive qui suspend tout. D'ailleurs, je la sacrifierais
volontiers aux succès de nos armes sur l'autel de la patrie!
et peu à peu je n'y songe plus, après la fin septembre,
l'apparition mélancolique des premiers jours de l'automne!
les temps sont changés au camp. Record de la piquette
frontale et occipitale, arrivée tardive, réparé
par bon souper, boueux, bon, trouvé de la paille, dors
tout habillé. Réveil facile, Marche sous bois par
ciel blafard, très dure, manoeuvre sous sapins encore
bizarre, incompréhensible liaison ratée par jeune
aspirant, nous fait rebrousser chemin, sous bois touffus, extrêmement
dur, remanoeuvre avec BF, aussi assommant qu'illusoire, faim,
soif. Mon vieux Virgile, viens manger lapin de la réfugiée,
on bondit au caboulot où l'hôtesse embarrassée
vous pose le lapin au lieu de le servir...» Isabelle Dormion, 14 février 2005 Lettre aux parents ... mardi 23 « Chers parents, Nous nous installons tout doucement et confortablement dans les environs de Troyes, en cantonnement dans un petit village à 5 km de la ville, où nous sommes consignés. La première impression est tout à fait favorable. A notre arrivée dimanche, nous avons posé plus d'une heure à la gare mais j'ai pu déjeuner chez les Orgeolet qui ont été très gentils, comme toujours. Lui a toujours des rhumatismes et de l'entérite mais il se soigne. Elle est toujours jeune et sa physionomie n'a pas changé. Sa coiffure seule s'est modernisée, mais elle n'est pas blonde comme on l'avait dit. Maurice est très grand pour ses huit ans et la mère est toujours là. A cinq heures je les ai quittés pour notre cantonnement. A six heures et demie on nous parquait dans une vaste grange comme celle de Millet et nous avons couché dans la paille. J'ai peu dormi comme la nuit précédente à Sens, non à cause du manque de confort ni du froid que nous n'avons pas senti, mais à cause surtout de notre nouvelle situation. La nuit dernière, je me suis rattrappé et tout va bien. Nous avons déjà touché tout l'indispensable, linge et batterie de cuisine. Chaque homme a donc une gamelle neuve avec quart, fourchette et cuiller, gilet de flanelle et chemise idem, mouchoirs, bonnet de nuit, caleçon excellent, une paillasse, un traversin, neufs et un grand sac à viande où l'on s'introduit la nuit. Demain, on nous habillera avec des effets usagés mais présentables. Le boulot est épatant comme celui que Planson faisait à Orléans, boeuf excellent, soupe très appétissante et l'on en a assez. Inutile donc d'aller ailleurs surtout que le village ne compte qu'un café peu débrouillard peu outillé en victuailles: mais il n'y en a vraiment pas besoin et je casse la croûte aussi bien que les cultivateurs. Les camarades sont tous des hommes de culture du Loiret de l'Yonne et de seine et Marne, de seine, de l'Oise, bref du 5ème corps, je suis avec l'Oizo, l'instituteur, plusieurs types d'Orléans et des fermiers de Saint-Denis en Val, Rabourdin, cousin de mon copain le médecin de Brou et gendre de Prudhomme, et Martin, sans doute le fameux type qui jadis fila le chef Flamery en voiture. C'est un très gentil garçon qui a fait des études à l'Ecole supérieure d'Orléans. Le reste est à l'avenant, pas de fortes têtes, sauf un pauvre bêta inoffensif et neurasthénique qui s'est lancé contre un mur. Il est à l'infirmerie. pas de désordre, pas de danger, pas de vol, la bonne volonté partout. Les pères de famille il est vrai sont plus posés que les jeunes gens. Un des sergents est instituteur et a fait notre connaissance avec plaisir. Un autre qui au bureau prenait nos noms et professions parut surpris de la mienne. Je crois reconnaître en lui un instituteur de Paris dans la classe duquel j'avais passé l'oral de l'inspection. l'instituteur d'ici et sa femme sont de braves gens et nous avons la mairie à notre disposition pour écrire. En somme, ça va très bien, ne vous inquiétez de rien. On dit même que nous n'irons pas au feu, que nous ferons simplement le service des places conquises ou reprises et des voies ferrées mais qui peut bien le savoir? En attendant, rassurez-vous, je vais très bien, comme les manoeuvres ou les vacances. Je vous récrirai ces jours-ci. Je vous embrasse bien fort. Paul» la gratuité "Les grands groupes culturels et d'information couvrent toute la planète avec les satellites et les câbles. Mais posséder les tuyaux de l'information du monde n'a de sens que si l'on détient l'essentiel du contenu, dont le copyright constitue la forme légale de propriété" a écrit Joost SMIERSdans son article incisivement ironique "Plaidoyer pour l'abolition du droit d'auteur: La propriété intellectuelle, c'est le vol!" paru dans Le Monde Diplomatique en Septembre 2001. Une ambiguïté autour du droit d'auteur et de son actualité soulignée par Lucie WALKER et David FOREST, avocats à la cour, dans Libération du 30 mai 2005: "Tout ce qui fait droit aux revendications contre la propriété intellectuelle est désormais marqué du sceau du progressisme tandis que tout ce qui respecte ses règles est réactionnaire". La notion même de gratuité semble introduire une dimension morale: " L'hostilité croissante au droit d'auteur qui sévit dans certains milieux depuis quelques années affiche une bonne conscience qui la fait ressembler à une croisade", disent encore Lucie Walker et David Forest. Le débat sur la gratuité confine à une croisade générale en faveur du don* (humanitaire le culturel?) à coups de campagnes qui masquent le véritable mode de financement des opérations culturelles dans leur ensemble, qu'elles soient marchandes, mécènes, médiatiques ou institutionnelles, voire tout à la fois. L'internet qui fait en ce moment l'actualité donne encore une fois prétexte à amalgamer la cause des organismes marchands à celle des auteurs en général et de ceux dont ils gèrent les droits, diffusent, exposent ou commercialisent les oeuvres en particulier: n'oublions pas que l'exploitant (ou diffuseur) défend avant tout la marque qu'il a apposée sur des copyrights, et prétend être le seul à tirer bénéfice de cette mine dont il se sent propriétaire. Alors que d'autre part la gratuité suscite crainte et suspicion sur le marché, notamment de l'internet (téléchargements "illégaux"). La gratuité est une illusion, un mythe, ou juste un mode de financement (opaque, ou plutôt transparent, dans le sens d'invisible, incolore, indolore), qui n'est pas forcément supporté par les entités mises en avant, bref c'est une "gratuité marchande". A ce titre, l'interview du week-end 28-29 mai 2005 dans Libération, de Joëlle FARCHY, économiste et chercheuse, qui "se penche sur les modes de rétribution des artistes sur internet", est très pertinente malgré son titre ambigu et peut-être trompeur "il faut apprivoiser la gratuité sur internet". Quelques passages sont à souligner: "Plus psychologique que réelle, la gratuité doit cohabiter avec d'autres financements afin de respecter une diversité des productions. Seul moyen de ne pas dévaluer dans l'esprit du public la création artistique***." Et plus loin, parlant de media et spécialement de télévision et de "vente de cerveaux disponibles" aux annonceurs: "Le financement publicitaire des médias est un modèle marchand, qui permet la gratuité pour le consommateur". En finale, le moyen de financement de la culture influence plus que fortement ce qui est produit, diffusé, "offert": "La culture devient un produit d'appel pour vendre tout et n'importe quoi", à quoi j'ajouterai, avec la permission du lecteur: sauf de l'art. May Livory, 30 mai 2005 Langue sauce piquante Ce 19 Avril 2006, une émission télévisée orchestrée par Frantz Olivier Gisbert réunissait des hommes politiques, écrivains, journalistes, tous auteurs d'un livre récent, autour de la "langue de bois". Débat intéressant à suivre, d'un oeil ensommeillé vu l'heure tardive, mais d'une oreille attentive. Les langues allaient bon train, qu'elles fussent liées ou déliées, sucrées, salées, du bois dont on se chauffe ou de celui dont on règle la politesse, fait des bols à caviar pour gauchers, bâtit la démocratie, échafaude les hautes sphères du pouvoir des Gaules, emballe les lingots ou les machines de guerre. Il était question, à travers certains des livres présentés, du cynisme, qui va de pair avec le fait de prendre langue pour un débat sur les langues de gauche et celles de droite, toutes bien pendues. On a évoqué "lèche, lâche," et un troisième terme en "l" que je n'ai pas capté. Tout cela m'a fait penser à ce dieu païen des liens*, au pouvoir double "je te noue, je te dénoue", devenu saint par la magie de la religion populaire baptisante, déliant à sa guise lorsqu'on l'invoquait, aussi bien la parole que les muscles paralysés par la goutte ou les rumatismes, la marche, le développement d'un "enfant noué", qu'il pouvait ligoter serré le malfaisant dont on avait à se plaindre. Dérivé d'Ogmios, le dieu noir de la première clairière des Mabinogion (Ogmos: sillon, route, chemin), qui n'ayant qu'un seul pied, liait les hommes par son éloquence ou creusait des ornières pour faire buter les charettes et les embourber, dieu gaulois celtique à l'éloquence magique, ou encore Ogmar en Irlande, qui lance un défi à Lug en se servant d'une grande pierre qu'il traîne. Il avait pour nom selon l'endroit ou la croyance: Estropi, Eutrope, Rustique, Eleuthère, Lien, Lié, Leu, Libérate, Liber, Bleu, Féli(x), Philippe, Déli, Livaire, Libiaire, apparenté aux saints céphalophores comme à Léonard, Liesne, Hélier, Lénard, qui rit derrière les pommiers lorsqu'on s'embourbe, Bacchus-Dionysos qui entrave ses ennemis avec des guirlandes à des pieds de vigne, ou Varuna en Inde, il convoque des imageries où se mêlent à la langue et à la parole l'inextricable (lien, fil, noeud, chaînes), le noueux (arbre), la pomme (objet de sagesse et de péché originel), la pierre (d'achoppement, de lourdeur, de blocage), le chemin, l'égarement, le dévoiement, le double pouvoir du brigand repenti, du mauvais gentil et du bon méchant. May Livory, 20 avril 2006 On assiste à une perte de crédibilité des grandes marques et cela est noté comme une régression. La grande marque, comme Chirac pour la présidence, ne fait plus autorité (p.230). Le récent débat du président avec les jeunes en est l'illustration, dit le rapport. L'information se fait de façon transversale, de jeune à jeune, "le statut ou l'autorité ne font plus fonction de justificateurs de la parole transmise. Cette confusion "marquée" entre l'autorité et le sigle est signe d'une consommation en changement", elle est dite post-moderne, adolescente, liée à la mondialisation, à une perte de croyance dans le progrès. En quoi le développement est-il lié à la "croyance"? Dans les valeurs prioritaires, l'honnêteté est au premier rang, le goût du bonheur au dixième et le patriotisme en dernier. Je ne pense pas que les valeurs proposées soient exaltantes (respect d'autrui, sens de la famille, goût du travail, tolérance, courage, sens de la justice, respect de l'autorité, générosité, sens de l'intérêt général). Quant à Dieu il vient en douzième rang, ex-aequo avec l'épanouissement personnel, érigé en valeur. (Chapitre valeurs idéologiques dites "préférences idéologiques"). Pour reprendre un peu d'oxygène faisons une courte halte. L'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts, qui se lit comme on chante sous la pluie, indique d'autres valeurs non mercantiles et peu rentables, comme l'intelligence, le talent et l'élégance d'une pensée concise, la détermination et l'audace, le poignard et le traquenard habilement tendu sous une porte cochère. Quelques pages suffisent, in extremis, avant de retourner en apnée au rapport (342p), où toute littérature n'est pas totalement exclue. On lit à la fin du volume, le "blues" des grandes villes. Est-ce un concept? Non, aux Etats-Unis ce terme sert de paramètre pour évaluer la maladie mentale dans un test normatif, le DSMIII. Il est même possible en quinze minutes de dresser un inventaire des mots " bâtardisés ", surdéterminants, ni chair ni poisson, des anglicismes, quelques néologismes, un hispanisme, des trouvailles hors de propos dans une lecture où le souci d'objectivité doit rester prioritaire: Stigmatisation - catégorie fourre-tout - lépenisé - distanciation - europhilie - attrait - crispation - sous-population - statuaire de l'élite - élite froide - élite déchue - élite transparente - élite senior -"les françaises restent romantiques et maternelles" - identité plurielle des femmes - paradigme du bonheur - elles "angoissent et stressent" - mal de dos 58% - pas vraiment belles 46% - macho - incommensurable - les droits et les devoirs "classiques" - filigrane - réassurance - challengeant - mobile-attitude - thèse Ronald Ingelhart. Cette lecture exigerait un état comparatif
1989/2006, où se trouve également le terme "libéralisme
culturel" accolé au niveau du diplôme. Isabelle Dormion, 21 avril 2006 Images et pouvoirs En couverture du Monde,15-16 octobre, le rappeur Joey Starr "délaisse les provocations". Il incite les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales. C'est bien. Il peut parler. Il a la permission. Il a la caution. Il a l'imprimatur. C'est très bien. Il a payé sa dette à la société. C'est juste, ça donne droit à la parole. Il est père. C'est beau. Il peut l'ouvrir. Il peut jacter. Il peut dire des trucs qui peuvent s'écrire. Ce qui est audible est dicible et ce qui est dicible est torchonnable. Ce qui est couchable sur torchon est articulable. Ceci est donc un articulet de journal, présenté en première page du Monde. C'est l'espace offert à Joey Starr. Non seulement il en a le droit mais plus, l'obligation. Porte-drapeau. C'est mieux. C'est simplement sublime. Il sort un album. C'est magnifique. En effet, c'est lui qui précise dans un commentaire, propos recueillis et cités entre guillemets: il "ira(i) voter pour la première fois de sa vie"; c'est donc un certificat de virginité électorale, ah, le bulletin glissé dans la petite fente d'une belle urne translucide et close, et le bruit du petit clapet qui claque dans le jour naissant d'un civisme découvert! Ah le battement du coeur au jeu des petits papiers, déployés dans l'isoloir comme un secret jeu de cartes, divinations et tarots! Ces as, ces pokers menteurs, ces rois de pique, ces dames de nèfles, tous patronymes inscrits sur les bulletins puis abattus en éventail! Le lecteur est renvoyé page 22 où le rappeur, si nous n'avions saisi l'essence et l'importance d'une prise de conscience juvénile, dit qu'il "voterai(t) pour le moins enculé des enculés!" Voilà, ce qui est dit est dit, ce n'est plus à dire, c'est écrit, c'est énoncé, c'est édicté, c'est osé, c'est asséné tel aux consciences virginales. Une page entière dédiée au porte-parole qui se livre "dans l'arène civile" (photo: 7,5cm x 9cm). En première de couverture (11cm x 16,5cm), on voit, colorisé, sublimé, grave, concentré, tel le Saint Sébastien de Raphaël (1503) que Joey Starr, changeant de rôle, "arrêtant de jouer la carte des victimes", aurait découpé, très lutin farceur, en pointillés sur un tableau du Douanier Rousseau, le Premier Ministre qui surplombe dans la mise en page le rappeur de profil (sept 2003). Le Premier Ministre est photographié de face au Conseil Général de Guadeloupe sous un titre sobre "présidentielle (en rouge). Une précampagne intense". Palmiers, palétuviers et mangroves, golf émeraude, sables blancs et goélette abordant la côte caraïbe, costume sombre, mains croisées, cravate sombre à pois pour l'intensité, paroles de miel, jujube, caramboles et lointains pour l'enchantement, il jette, tel Jason jasant, une potion magique dans les yeux du dragon mis au défi, Sarkozy* devant, sans fulminer ni crachoter des flammes, être capable de démonter qu'il est capable, tout seul dans le désert présidentiable, "d'incarner la synthèse"**. Isabelle Dormion, 17 octobre 2006 Le lieu? Le Monde de l'Education* évoque ce mois-ci une expérience menée par May Livory, ethnologue et artiste, à Grigny avec des enfants du lieu. Le lieu est l'école, les acteurs sont l'institutrice et les enfants. Le lieu est la parole. L'écriture est un lieu. Une page du Monde est un espace de lecture, s'il se trouve un seul lecteur. Qu'est ce qu'une canalisation, un tuyau, des tuyaux, des bruits, des bruitages, des bruits d'eau, le silence des lieux, les bruits de la rue? Qu'est-ce qu'une institution muséale comme celle de Beaubourg? Et le palais de Tokyo? Et la culture d'Etat? Demandons à France Culture. Qu'est-ce que ce qu'un espace? Faut-il laisser un temps à l'espace? Peut-on encore prendre le temps de passer par là? Tous les jours en allant au Louvre. Je suis passée à la Loge, rue du Pont Neuf avant-hier, j'y suis repassée hier, plus longtemps, ne voyant rien des films. Harassée par la rentrée. Les gens des villes, il y en a tant et tant que de chercher à les faire exister, ne serait-ce que le temps d'une exposition, le temps d'un film, une vie entière n'y suffirait pas. La vie s'épuise à laisser l'espace et le lieu, le temps qu'il faut pour ce faire. La Loge de la rue du Pont Neuf est ce lieu, dont Christophe Boutang m'avait demandé s'il n'était pas maçonnique. Hilarité stupéfiée. Je passe à La Loge depuis une quinzaine d'année, entre deux rues, deux rendez-vous, le temps d'un saut dans l'escalier, entre la rue de Rivoli et le Pont-Neuf. La Loge est étroite mais spacieuse, elle ne sert à rien, c'est dire qu'on n'y sert pas la soupe. C'est dire l'inutilité, ce paradoxe, la stricte nécessité de ce luxe, hors de prix, que nous ne pourrions pas nous permettre si nous demandions à qui que ce soit la permission de prendre le temps de le perdre à ces luxes princiers d'un autre temps, l'art et l'ethnologie. C'est surtout un lieu de passage défini par ce qu'il n'est pas. Pas une assignation à résidence. La loge a aussi un seuil. Il y a des limites à tout. Isabelle Dormion, 29 septembre 2007 * article de Julie Chupin, "Dépasser
la Grande Borne". L'article de Bernard Henri Lévy dans
le numéro 568 de Marianne du 11 au 17 mars 2008 est donc
illustré par une reproduction de la fresque de la chapelle
Brancacci portant au dessus de la reproduction ces quelques lignes
en chapeau: La troisième erreur est dans l'argumentation,
la démonstration du philosophe. Il prêche les convertis.
Depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la constitution,
puis l'institution politique établit l'obligation de la
laïcité, dont les principes et les modalités
ne sauraient être aujourd'hui remis en cause. Par qui?
le Pape? le dalaï-lama? Bouddha en personne? Un avatar?
Par le Comte des Largesses sacrées? Le Défenseur
de la Plèbe? Deus ex machina? Non, au seuil de l'Elysée
par le détenteur (profane) d'une volonté de vérité
(sacralisée). Le petit sous-pape de la toute-puissance
magique, celui qui veut et qui peut marcher sur les eaux tempétueuses
vers Génésareth si elles sont rachetées
demain par la Compagnie Générale des Eaux. C'est
le moment idéal, les Instances sont en visite à
Paris. * Chefs-d'oeuvres de l'art «du gothique
à la Renaissance» |