100 collages
Isabelle Dormion
utilise des pages arrachées aux hebdomadaires

100 triturages
May Livory
déchire et triture le quotidien Libération

Litanie de base lines*
montage audiovisuel, recueil des base lines et lecture May Livory, avec 100 collages d'Isabelle Dormion

15 octobre-15 novembre 2004

La Loge de la Concierge
lieu privé & alternatif d'exposition

14 rue du Pont-Neuf 75001 Paris
RER Les Halles, Météor
Métro Châtelet, Pont-Neuf, Louvre

contact, demande de visuel


2 artistes autour d'un travail-titre commun: la Litanie de Baselines, montage audiovisuel. La "litanie" est dite par May Livory sur une centaine de collages d'Isabelle Dormion, en surimpression aléatoire du son "off" sur l'image projetée. La Loge (24 m2) offre un espace en coude, créant un parcours obligé vers la fenêtre à travers deux pièces-écrins aux murs marouflés de coton peint.
La première pièce accueille un accrochage de collages sous verre d'Isabelle Dormion.
La deuxième, une centaine de "galettes" de May Livory, suspendues. De la taille d'une assiette, elles sont obtenues par lacération, triturage et pressage au tamis, du quotidien Libération et de quelques autres occasionnellement. Elles portent au recto et au verso des images, des mots, des phrases déchirés, découpés, réassemblés en une relecture du quotidien. Ce travail s'échelonne de 2001 à 2004.
Isabelle Dormion et May Livory tentent d'appréhender le monde backstage en tant qu'indigènes (contraire de people). Au croisement de leurs travaux, une oeuvre commune menée expérimentalement sur le site internet <http://shukaba.org> depuis septembre 2001. Une chronique d'Isabelle Dormion en forme de journal, "Turbulences", et un décryptage en trois volets de May Livory: un recueil de "base lines" constitué au jour le jour, des "billets de rumeur" et une "terminologie des rumeurs malignes".

triturages et litanie

L'incantation entre l'oral et l'oraculaire, c'est ce qui viendrait, ici, arrondi, constituer une autre et nouvelle monnaie d'échange. Une certaine façon de ponctuer l'actualité. Venant à feuilleter ce qui, à l'extrême dernière minute, fait le temps présent, on peut déjà interroger la pile. Les journaux dans l'angle de la pièce dans un temps inversé (2004-2001) reconstituent les uns sur les autres déjà poussiéreux l'arbre que cache cette forêt consensuelle.
La manipulation entre l'imprimerie, par les mains aux encres noircies, et le papier réapproprié et lentement travaillé c'est ce qui permettrait, restitué en une lecture adoucie, d'un gris doux humanisé, d'utiliser toute l'information, exclusive. C'est un passage obligé par l'oralité. La page est mâchée, la page est avalée, la nouvelle est digérée, le papier est laissé à reposer dans quelque récipient translucide, qui laisse deviner des bribes en décantation. Le temps faisant son oeuvre, on lit, sur une des oeuvres rendues, Rwanda, 490 Euros, est-ce vraiment trop cher payer?
La restitution, c'est ce qui resterait après le passage obligé dans le salon de lecture. Le boudoir est non seulement requis, il est en la demeure obligatoire. Le reposoir en l'occurrence est fortement conseillé. Oublions les échéances. Ne subsistent que l'ombre et la trace d'un fantôme reposant sur le lit des paperolles, les bribes des mots, actuelles et passées.
La récitation, c'est ce qui actualise la fable. La lectrice, la récitante, May Livory, en son feuilletage implacable, reprend l'histoire là où elle l'a laissée, comme nous tous, sans voix. Mais que vient faire l'eau? L'eau lave ou blanchit, l'eau dilue, l'eau colmate les fragments insensés d'une lecture quotidienne, puis l'air assèche et purifie, le temps rassemble.
Ainsi libérée de ces urgences stylistiques qui tous les jours nous alarment, chaque page lue, toutes les pages innombrables d'un temps rendu plus accessible, délivrent une psalmodie sans violence ni terreur, et manuellement défragmentée, la solitaire lecture de ce qui est communément imposé.

collages et base lines*

Depuis quelques dizaines d'années, la presse hebdomadaire et mensuelle a pu fournir un inépuisable matériau de choix.

Photographies panoramiques sur papier glacé ou tirages ordinaires, slogans publicitaires inversés, mots d'ordres à l'usage des consommateurs, tout est bon à découper.

La colle blanche d'écolier a fait le reste. Le premier, réalisé en Italie il y a belle lurette est «Donnez une femme à vos fleurs». La femme est dévorée. Cette inversion des termes dans la violence du slogan remet les choses en place et les sujets dans l'ordre nominatif: dixi.

Cette litanie collationnée par May Livory, apposée à des images suivies dans un ordre aléatoire est un montage expérimental. Sur l'image initialement détournée de la publicité est collée une phrase sonore tirée
de la publicité dans la plus hasardeuse proximité.

Cent collages ont ainsi été sacrifiés à l'ineptie sussurrée, impérieuse, omnipotente et perverse. L'ordre publicitaire impose une violence telle que les images sont difficilement réutilisables. Toute interprétation imaginaire devient proscrite.
Outre la marque laissée par le petit message subliminal inséré, collé et retiré, l'invention séductrice et mercantile vide l'image de son contenu.

Dans cette forme de collage, le titre précède et rassemble les éléments disparates retirés de leur contexte. Il faut donc là une triple action. Titre, collage, litanie. Le résultat ne se fait pas attendre. Jeu de massacre opératoire où l'iconoclaste se trouve à la fois démuni et toujours impuni. Il faut une quatrième phase pour redonner à l'image lissée son clou au mur.

Il faut lui redonner un titre, quelques mots qui sollicitent et éjectent le spectateur une fraction de seconde dans une proposition de relecture des journaux.

Isabelle Dormion

index shukaba.org

*base line = ligne du bas, conclusion, morale de l'histoire, truc à retenir, pense-bête, leitmotiv, nota bene, envoi ou chute comme il s'en trouvait à la fin d'un fabliau ou d'un conte de fées, et que l'on place de nos jours en bas de page dans une publicité ou en guise de "mot de la fin" dans un spot publicitaire télévisuel ou cinématographique.
base line = ligne de base, raison d'être et philosophie de la marque qui "annonce", résumées en quelques mots et figurant systématiquement en sous-titre au logo sur tous les supports médiatiques.

May Livory, extrait de Terminologie des Rumeurs Malignes, in
Paroles d'Indigènes